Comment développer leur région dans la paix et la cohésion après cinq années de rébellion armée ? C’est la réflexion faite par les ex-fronts à Dabaga (45 km au Nord d’Agadez) rencontre de l’Unité pour mettre fin au climat de méfiance et de suspicion né d’un conflit fratricide et qui a fait officiellement 150 morts. En marge de cette rencontre, des intellectuels de la région ont publié ce document critique de la situation qui est faite même aujourd'hui aux cadres du département.
Cinq ans après la signature des accords de paix suite à une rébellion armée dans le Nord du Niger, voilà qu’une initiative est née pour fêter la fin du désarmement de cette rébellion au cours de cet événement nous avons pensé qu’il ne s’agira pas seulement de chanter, danser et se disperser dans la nature. Il s’agira de faire un bilan sérieux et sans complaisance de la situation. Réfléchir sur l’avenir, voir les erreurs et les corriger. C’est pour cette raison que nous saisissons cette occasion pour exprimer nos points de vue avant, pendant et après le conflit armé que la région d’Agadez a vécu, que le Niger entier a vécu.
La rébellion armée
Au moment où cette plaie se cicatrise, ou on parle de réconciliation, il est mal indiqué de s’appesantir sur les actes qui l’ont émaillé dans chaque camp, mais il s’agit de lui donner simplement sa qualification de conflit armé.
A) Avant le conflit armé
Ce conflit armé est né de frustrations, de l’injustice, des exactions de toutes sortes que les différents régimes du Niger faisaient subir à une communauté que la pauvreté et les sécheresses successives ont complètement déboussolées. Au moindre signe de protestation, la répression est brutale, sauvage et inhumaine. Il suffit de réclamer un peu son droit de citoyen, l’homme touareg est jeté en prison, battu, humilié au milieu de sa famille impuissante. Les dirigeants du pays bien que comprenant parfaitement les raisons qui ont amené les hommes et les femmes à prendre les armes contre eux, n’ont trouvé que les mots. “ Ils veulent diviser le pays pour le faire comprendre auprès du reste du peuple nigérien et de leurs amis extérieurs qui les écoutent ”.
B) Pendant le conflit armé
Les dirigeants du pays ont fait croire au peuple qu’il s’agit d’une poignée d’individus perdus dans le vaste désert et que l’armée nigérienne elle-même trompée dans un premier temps à aller banalement récupérer ou éliminer ces individus perdus. Comme il y a une différence entre la tromperie et la réalité, la douleur des familles de part et d’autre a fini par les convaincre du bon raisonnement de la table de négociations et enfin les accords de paix sont nés les fronts de tel et tel et le total fera la résistance armée.
Dans la résistance armée, les divergences entre les hommes qui animent les fronts sont ressorties au grand jour et la communauté a fait les frais d’un conflit. Cependant il n’est jamais tard pour bien faire, les hommes comprennent de mieux en mieux la nécessité de travailler ensemble. De s’atteler aux objectifs qui les ont poussés à prendre les armes pour entrer en rébellion, dans cette paix retrouvée et qu’il faut consolider. La reconstruction de cette région, les libertés d’association, la prise en compte réelle des intérêts de la population dans toutes les décisions les concernant. D’une façon générale on cherchera à nous impliquer dans toutes les structures modernes de production : mines, projets, défense de notre environnement et de notre culture. Il sera définitivement mis fin à la dictature des fonctionnaires (départementaux ou autres) qui viennent simplement profiter de nos richesses et affichant pour nos populations mépris et arrogance.
Les accords de paix du 24 avril 1995
Ces accords de paix de 1995 et additionnels ont été signés sans doute dans la précipitation pour mettre fin à une douleur tout en sachant que les moyens de leur mise en oeuvre n’existent pas. (Peut-être c’est la paix des braves tout simplement). De façon positive des intégrations dans l’armée, la police, la garde, la douane, les écoles professionnelles et autres. Des chefs de fronts ont occupé et occupent encore des postes ministériels et quelques postes dans l’administration territoriale. De façon négative, nous pensons que les dirigeants politiques du pays utilisent de façon dangereuse toutes les potentialités libérées par un conflit que personne ne souhaite voir revenir.
L’administration dans la région
Les partis politiques nés du multipartisme nigérien et les différents pouvoirs issus des élections ont fait du régionalisme un tabou dans l’esprit du peuple (pauvre et ignorant juste un instrument à utiliser au moment des élections). Et chercher à tout prix à tromper l’opinion internationale. Mais dans la pratique des dirigeants cela fait partie de l’art de gouverner le pays. Il suffit qu’un ressortissant d’Agadez parle d’une injustice flagrante pour qu’il soit taxé de régionaliste et souvent menacé. On a tellement entretenu la culture de la peur chez nos populations que personne n’ose s’exprimer devant la plus petite des autorités ni même devant un fonctionnaire parachuté qui peut commettre tous les abus en toute impunité. Ailleurs dans les autres régions chacun fait attention, et dans tous les cas les décisions appartiennent aux gens de la région.
On peut dire clairement que la décentralisation est appliquée partout au Niger sauf à Agadez. On attend encore, on attend toujours.
A titre d’exemple le pouvoir dans ces nominations, les partis politiques au pouvoir avant et aujourd’hui et peut être même demain si nous ne faisons rien, ont tendance à mettre de côté les gens de notre région et placer dans toute l’administration des gens des autres régions pour gérer et de quelle façon nos affaires. Comme si au sein de ce vaste et généreux département il n’y en a pas d'hommes capables d’occuper le fauteuil de préfet, sous préfet, secrétaire général de préfecture, directeurs et autres cadres. Même s’il faut récompenser les militants des partis au pouvoir parce qu’ils ont amené des électeurs aux partis il faut les récompenser chez eux dans leur région et non les propulser à Agadez au détriment des gens de la région. Cette situation nous frustre à plus d’un titre et est tout simplement inacceptable. Pourquoi seul Agadez est un cas exceptionnel ? Pourquoi Agadez doit tout donner aux autres comme si ses ressortissants n’existent pas et n’ont droit à rien ? Dans la vie moderne et ceci depuis l’indépendance du Niger. Pourquoi seul Agadez doit symboliser l’unité nationale et fait-il l’objet de controverse sur la nigérinité ? En ce moment on parle de l’indivisibilité du Niger pour faire profiter certains, alors même que tous les partis politiques (surtout les grands) sont fondés et dirigés de façon régionale et pour certains même ethnique.
Les richesses régionales, les sociétés minières dans la région d’Agadez
Sources des frustrations et des injustices, des pillages de nos ressources, les accords de paix et additionnels, ont carrément oublié de dire un mot sur les sociétés minières installées dans notre région depuis plusieurs décennies : SOMAIR, COMINAK et SONICHAR. A notre grande surprise ! Chaque nigérien sait aujourd’hui que la générosité dont a fait preuve la région d’Agadez dans le partage des richesses nées de l’uranium et du charbon sur le plan financier et le domaine de l’emploi est tout simplement impensable ailleurs dans les autres régions du Niger. On trouve des ingénieurs, des agents de maîtrise, des ouvriers et même des manoeuvres et gardiens de toutes les régions du Niger. Mais aucun ingénieur de notre région. Aucun ressortissant de notre région n’occupe un poste. Voyez-vous ce qui c’est passé à Tillabéry à propos de l’or, ce qui se dit à Zinder, ce qui a été dit à Diffa à propos du pétrole, ce qui a été fait à Dosso à propos du coton, etc., et pourtant dire la même chose à Agadez dérange les esprits. Depuis trente ans l’uranium a engendré des milliards et des milliards, mais constatez dans quel état sont les écoles, les routes, les dispensaires.
Constatez dans quel état de pauvreté et d’exclusion vivent ceux qui habitent les régions, ces villages, ces hameaux. Comment comprendre qu’avec tant de milliards, les autochtones n’ont pas pu avoir droit au moindre litre d’eau potable à boire à plus forte raison abreuver leur bétail. Dans le domaine de l’emploi dans ces sociétés minières, il n’y a aucun ingénieur de la région, une poignée d’agents de maîtrise et environ trois cents ouvriers ressortissants de la région dans les 3 sociétés qui totalisent 2.500 travailleurs soit 12 %. Et pourtant, la région ne manque pas de cadres capables d’être Directeur, Médecin, Chef de secteur et autres ouvriers dans le cadre de l’atteinte de la limite d’âge des anciens. L’histoire retiendra que les quelques ingénieurs de la région qui ont travaillé dans ces sociétés ont été chassés pour complicité avec la rébellion ! Quant aux conventions de longue durée qui sont en train d’être renouvelées entre les sociétés minières et l’Etat nigérien, il est souhaitable que cette durée ne soit pas le renouvellement du calvaire indescriptible que les trente années d’exploitation d’uranium ont léguées à la région. Aussi, le projet IMOURAREN ne doit pas constituer un laurier pour endormir ceux qui doivent subir les conséquences de sa réalisation dans n’importe quelle condition. C’est dans la prise en compte de cette dure réalité que la consolidation de la paix doit se faire. En conclusion de ce chapitre, il s’agit de dire sans que cela soit interprété comme du régionalisme, ou de l’ethnocentrisme (comme à Tillabéry, Dosso, Diffa, Zinder, etc) que la richesse de la région doit servir à son développement et que l’emploi dans l’avenir doit se faire parmi les hommes et les femmes de la région.
Décentralisation
Consacré par les accords de paix en échange du fédéralisme, tant mieux si tout le pays est concerné, mais dans les tentatives de mise en application de cette décentralisation, qui ont échoué, nous nous sommes rendus compte de la réalité suivante : dans chaque région et dans chaque parti politique ne se présente dans les autres régions aux élections que leurs ressortissants, mais pour la région d’Agadez le recours aux mercenaires politiques est très aisé. Une autre dure réalité que les Nigériens savent c’est qu’un ressortissant d’Agadez n’a pas le droit de faire même du “ DAKO ” (porteur de bagage) dans les autres régions à plus forte raison être député, maire, ou conseiller élu ou éligible. Là aussi, les dirigeants politiques doivent se convaincre que cette pratique n’est pas qualifiée de régionaliste ou ethnocentrique dans les autres régions donc Agadez doit l’appliquer de la même manière. Il n’est pas cohérent de vouloir du fédéralisme pour soi et le transformer en décentralisation pour coloniser de façon moderne les autres.
La communauté
La communauté Touarègue doit s’atteler au travail et se convaincre que le développement à pour moteur les hommes et les femmes de cette communauté, il s’agit donc de réfléchir, de penser, d’initier et de projeter. Les divergences inter-ethniques et inter-claniques doivent être considérées de la nature humaine et cela se trouve dans chaque communauté nigérienne. Quant aux chefs de la résistance armée, compte tenu du rôle qu’ils ont joué et de cette chefferie que l’histoire leur a léguée, ils doivent taire à jamais leurs divergences car leur responsabilité permanente est engagée et la communauté ne cessera jamais à tort ou à raison de les indexer. Au sujet des chefs traditionnels, c’est de leur réhabilitation et de leur prise de conscience aux exigences d’un monde moderne qu’il s’agira, le cadre de leur organisation nationale doit y veiller.
Conclusion
La paix et sa consolidation doivent se faire sur des bases saines, concrètes, dans le seul but d’éviter un recommencement dommageable pour tout le pays. La critique et l’autocritique contenues dans ce document ne visent nommément aucun parti politique aucun individu, aucun partenaire, mais s’adresse à la conscience humaine de quelque bord qu’elle soit. Pour finir, il faut se convaincre que la paix est plus difficile à faire que la guerre.
L’unité dans la diversité pour la prospérité de toute la nation est un objectif noble qu’il faut atteindre. Très modestement, tel est notre point de vue et notre contribution.
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