Une source bien informée a révélé qu’un journaliste arabe jouissant d’une grande crédibilité auprès d’Al-Qaida au Maghreb, avait donné son accord pour participer à des négociations avec les membres de l’organisation en vue d’une libération prochaine des otages espagnols et sauver la vie de l’otage français détenu, depuis novembre dernier, par une des phalanges de l’organisation et dont le sursis de vingt jours accordée, avant son exécution, touche à sa fin. Le journaliste qui est entré en contact avec des salafistes de Nouakchott et Ni’ma en Mauritanie est en effet le seul à avoir pu rencontrer un terroriste de cette phalange, dan, un endroit situé à la frontière Mauritano-malienne. Nos sources indiquent, par ailleurs, que des salafistes mauritaniens, dont des prisonniers, sont également entrés en contact avec des terroristes mauritaniens affiliés à Al-Qaida au Maghreb. Lles pays européens espèrent qu’ils pourront convaincre les terroristes mauritaniens qui représentent 30 à 40% du total des membres du groupe. Les informations recueillies par El Khabar indiquent que les services de sécurité occidentaux qui supervisent les négociations avec les terroristes et qui avaient remis de grosses sommes d’argent à des intermédiaires du nord du Mali mais qui n’avaient pas réussi à faire avancer les négociations, avaient décidé de restreindre les contacts à deux diplomates maliens, dont l’un travail en Arabie Saoudite et l’autre en Algérie.
vendredi 22 janvier 2010
Nouvelles tentatives pour la libération des otages européens
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 21:14 0 commentaires
Les Touaregs souhaitent préserver leurs traditions musicales
L’imzad, un ancient instrument, "est aux Touaregs ce que l’âme est au corps". Par Mouna Sadek pour Magharebia à Alger – 21/01/10
[Mouna Sadek] Les institutions algériennes oeuvrent à préserver le riche patrimoine musical du pays.
L’imzad, un instrument traditionnel à corde très prisé par le peuple touareg et dont seules jouent les femmes, pourrait bientôt bénéficier d’un institut de mémoire et d’un projet plus large destiné à protéger les formes artistiques du désert.
Militants culturels et professeurs se sont réunis pour une conférence organisée du 14 au 16 janvier dans l’oasis algérienne de Tamanrasset pour y poser la première pierre du centre Dar Imzad, au pied du Mont Assekrem. Cette conférence a également lancé le projet Dar Imzad, qui servira de point de ralliement pour les artistes et d’autres personnes intéressées par la préservation des formes d’art traditionnelles du désert.
Le projet Dar Imzad est "un moyen de préservation d’un patrimoine immatériel menacé de disparition", a expliqué Badia Benchareb, membre de l’association Sauver l’Imzad, lors de cette conférence, le 16 janvier. Ce centre est financé par un don de 125,8 millions de centimes de la Sonatrach, selon le ministre de l’Energie et des Mines Chakib Khelil, qui participait à cette conférence.
La culture touareg oblige les hommes à rester silencieux et à s’abstenir de manger et de boire pendant que les femmes créent des mélodies empreintes de mysticisme et de spiritualité sur cet instrument millénaire. L’imzad se joue au sein d’un groupe assis en cercle, reflétant la forme de la lune et du soleil.
Le corps de cet instrument monocorde est fait dans une calebasse ou en bois recouvert d’une peau d’animal. La corde en crin traverse un pontet en deux parties. L’archet est également fait de crin.
Mais les militants craignent que cette ancienne tradition de l’imzad ne disparaisse rapidement, car les Touaregs abandonnent de plus en plus leur style de vie nomade pour adopter une culture plus sédentaire.
"Avec l’évolution de la vie moderne, l’imzad et toute la culture qui gravite autour sont en train de mourir", explique une femme membre de l’association. "Il ne reste plus que quelques vieilles femmes qui savent en jouer ; elles rêvent de transmettre leur savoir pour laisser en héritage au monde entier ce patrimoine culturel ancestral", a-t-elle expliqué aux participants.
Elle a cité feu Hadj Moussa Akhamokh, le représentant des Touaregs à l’Assemblée populaire nationale, qui expliquait que l’imzad "est aux Touaregs ce que l’âme est au corps".
"Le jeu de l’imzad est un cérémonial sérieux, ce n’est pas un amusement", expliquait Nouredine Benabdellah, professeur à l’université, en décembre au centre culturel de Tamanrasset. "Cette musique est presque sacrée. Le respect de l’imzad est une tradition bien ancrée."
Saâda Taous, inspectrice générale au ministère de la Culture, explique que l’Algérie fait tout ce qu’il est possible de faire pour que la culture de l’imzad ne disparaisse pas.
"L’Algérie se bat actuellement pour inscrire L’imzad au Patrimoine universel de l’UNESCO", a-t-elle déclaré aux participants lors du festival de musique amazighe de Tamanrasset en décembre. "Mais pour qu’elle soit efficiente, cette requête doit être faite par la Libye, le Niger et le Mali, des pays où vivent les communautés touaregs."
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 21:13 0 commentaires
Appel à contribution 2010 de Jeunesse Horizons
Agadez – Niger
Arrêté 014/CU/AZ du 17 février 2009
Tél : (227) 96 17 51 10
E-mail : jeunessehorizon@yahoo.com Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. (Agadez) ou questiontouaregue@yahoo.fr Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. (Bordeaux)
Web : http://jeunessehorizons.over-blog.com ou http://internationale-touaregue.org
Agadez, le 14 Août 2009
ANNEE 2010
DEMANDE DE FINANCEMENT POUR LE FONCTIONNEMENT DES CENTRES DE SOUTIEN SCOLAIRE DE TOUDOU ET D’ABALANE (AGADEZ-NIGER)
Jeunesse Horizons est une coopérative d’animateurs culturels et d’artistes. Ses objectifs sont la création de centres de soutien scolaire et l’organisation de manifestations culturelles.
1. Centre de Toudou
Créé à l'initiative d'Abaghane Moussa, dit Titi, un premier centre de soutien scolaire a vu le jour en décembre 2006 dans le quartier défavorisé de Toudou à la périphérie de la ville d'Agadez. Dans ce quartier qu’il connait bien, Titi qui est aussi comédien, veut initier les enfants au théâtre. Il fait rapidement le constat du très faible niveau scolaire des enfants et décide avec son ami Ibrahim Affi de les aider pour apprendre leurs leçons et leur donnent des cours de soutien.
Avec l’accord du chef de quartier et avec l’aide de quelques parents, ils construisent un hangar en bois et en nattes où le soir à la lumière de la lampe à pétrole les enfants se réunissent pour travailler. Aux compositions du trimestre suivant, les enfants ont bien progressé et ces résultats encouragent les 2 animateurs à continuer.Pendant plusieurs mois, les animateurs ont travaillé bénévolement. Puis ils ont été aidés par quelques particuliers admiratifs devant le travail accompli.Des familles nomades contraintes de quitter leurs campements lors de la grande sécheresse de l’année 1973 se sont installées les premières dans le quartier de Toudou situé à la périphérie d’Agadez.
La sécheresse de l’année 1982 a entraîné un second exode de populations qui à leur tour sont venues les rejoindre. Les conditions de vie aujourd’hui y sont difficiles. Beaucoup de gens sont dans une situation précaire. Les familles vivent sur des terrains de la municipalité, sous la tente, sans eau courante et sans électricité et n’ont pas les moyens d’y acheter une parcelle pour y construire leur maison. La population est peu alphabétisée et rares sont les parents qui envoient leurs enfants à l’école. En classe, les cours se font en français. Dans la majorité des cas les parents ne connaissent pas le français et ceux qui inscrivent leurs enfants à l’école ne peuvent les aider à l’apprentissage des leçons ni suivre le travail scolaire.
C’est la raison pour laquelle ce centre de soutien scolaire est très important pour le quartier. De plus, si l’objectif premier de ce centre est le soutien scolaire, d’autres activités sont proposées aux enfants : sport, théâtre, chant, tricot, lecture… Les enfants inscrits au hangar, en plus des progrès scolaires réalisés, ont gagné en ouverture d’esprit et montrent toujours un grand enthousiasme pour les activités proposées. Le centre est pour eux une seconde famille et ils y viennent avec beaucoup de plaisir. En complément l’activité du centre :ü Initiation au tricot et au crochet pour les jeunes filles.ü Organisation de spectacles d'animation (contes, marionnettes, chorale, journée de l'enfant africain...).Ces activités, en plus de compléments éducatifs qu’elles donnent, créent des liens privilégiés entre les animateurs et les enfants. L’organisation de la semaine se fait selon le programme suivant : Les élèves participent avec assiduité aux cours la semaine et le week-end. Petit à petit ils ont appris à y venir à l’heure.Les animateurs se tiennent à la disposition des parents pour le suivi de la scolarité de l'enfant.Le sérieux et le dynamisme des animateurs ont permis à bon nombre d'élèves d'améliorer leurs résultats scolaires. Une cotisation mensuelle de 0,75 € (500 FCFA) par élève est demandée aux parents. L'argent collecté sert à couvrir quelques dépenses de fonctionnement (craies, électricité, eau ...).Au cours des dernières vacances d’été, les animateurs ont organisé des cours de soutien et de nombreux parents ont envoyé leurs enfants.
Matin Après-midi Soirée
Lundi Cours de maternelle8h00 à 11h00 Contrôle des leçonsPrimaire13h00 à 14h30 Contrôle des leçonsPrimaire19h00 à 21h00
Mardi Cours de maternelle8h00 à 11h00 Contrôle des leçonsPrimaire13h00 à 14h30 Contrôle des leçonsPrimaire19h00 à 21h00
Mercredi Cours de maternelle8h00 à 11h00 Couture13h00 à 16h00Cours de soutien6ème16h00 à 18h00 Contrôle des leçonsPrimaire19h00 à 21h00
Jeudi Cours de maternelle8h00 à 11h00 Contrôle des leçonsPrimaire13h00 à 14h30 Contrôle des leçonsPrimaire19h00 à 21h00
Vendredi Cours de maternelle8h00 à 11h00 Contrôle des leçonsPrimaire13h00 à 14h30 AnimationContes et théâtre19h00 à 21h00
Samedi Cours de soutien5ème-4ème08h15 à 12h30 Cours de soutien5ème-4ème14h45 à 18h00 AnimationContes et théâtre19h00 à 21h00
Dimanche Cours de soutien5ème-4ème08h15 à 12h30 Couture13h00 à 16h00Cours de soutien6ème16h00 à 18h00 Contrôle des leçonsPrimaire19h00 à 21h00
2. Centre d’Abalane
Suite au bilan positif du centre de Toudou, un second centre a été créé dans le quartier d’Abalane au début de cette année.
2.1. Lieu d'implantation
Le site d'Abalane, à la périphérie de la ville a été choisi après concertation avec les familles et le chef de quartier.Les habitants anciennement nomades se sont installés il y a une vingtaine d'années. Les conditions de vie aujourd’hui y sont difficiles. Beaucoup de gens sont dans une situation précaire. Les familles vivent sous la tente ou dans des constructions en terre, sans eau courante ni électricité.
2.2. Fonctionnement du centre
La structure du centre est composée de bois recouvert de nattes végétales tressées. D'une superficie de 20 m2, il accueille 20 enfants du primaire (10 filles et 10 garçons). L'équipe chargée du soutien scolaire est composée de 3 animatrices. En complément des cours, le centre organise tout au long de l'année des spectacles d'animation pour les enfants (contes, marionnettes, chorale, journée de l'enfant africain...).Les animatrices se tiennent en permanence à la disposition des parents pour le suivi de la scolarité de l'enfant et un calendrier de réunions est mis en place.Une cotisation mensuelle de 0,38 € (250 FCFA) par élève est demandée aux parents. L'argent collecté sert à couvrir les dépenses de fonctionnement (craies, pétrole pour les lampes, ...).
Les animateurs en charge des cours Montant
Classe de maternelle : Rémunération pour un animateur sur 10 mois (yc 1 mois de congé) 305 €
Classes du primaire : Rémunération pour un animateur sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 550 €
Responsable du centre : Rémunération pour un animateur sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 915 €
Classes du primaire : Rémunération pour un animateur sur 10 mois (yc 1 mois de congé) 458 €
Classes de collège : Rémunération pour un animateur sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 915 €
Atelier de couture : Rémunération pour un animateur sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 275 €
2 animateurs pour la classe de maternelle1 animateur pour une classe du primaire1 animateur responsable du centre1 animateur pour une classe du primaire 1 animateur pour les classes de collège1 animateur pour l'atelier de couture Total 610 €550 €915 €458 €915 €275 €
3 723 €
1.2. Rémunération des animatrices du centre d’Abalane
Les animatrices en charge des cours Montant
Classe de CE1 : Rémunération pour une animatrice sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 366 €
Classe de CE2 : Rémunération pour une animatrice sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 366 €
Atelier de couture : Rémunération pour une animatrice sur 12 mois (yc 1 mois de congé) 92 €
Total 824 €
2.1. Entretien annuel du centre de Toudou
Montant
Achat de nattes, bois, ... 107 €
2.2. Entretien annuel du centre d’Abalane
Montant
Achat de nattes, bois, ... 107 €
3.1. Activités complémentaires du centre de Toudou
Montant
Achat de fournitures scolaires 130 €
Achat de matériel pour l'atelier de couture 31 €
Frais de spectacles, fêtes et animation 300 €
Total 461 €
3.2. Activités complémentaires du centre d’Abalane
Montant
Achat de fournitures scolaires 35 €
Achat de matériel pour l'atelier de couture 31 €
Frais de spectacles, fêtes et animation 100 €
Total 166 €
IV. Récapitulatif des besoins financiers annuels
Désignations Montant
La rémunération des animateurs 4 547 €
L'entretien annuel 214 €
Divers 627 €
Frais de siège et de suivi 380 €
Total 5 768 € (3 784 000 FCFA)
Il est prévu, hors budget pour l’année 2010 deux activités qui rentreront dans le cadre de l’animation :
Une soirée hebdomadaire animée par un ancien qui racontera des histoires de la région.
Une campagne de sensibilisation dans les collèges sur l’importance et la nécessité de la lecture.
V. Conclusion
Pour de multiples raisons (manque de formation des enseignants, classes surchargées, apprentissage de la lecture dans une langue étrangère, pas de soutien des parents…), la scolarisation au Niger est catastrophique. Un des moyens d’aider les élèves est de développer des centres de soutien scolaire à l’image de ceux de Toudou et d’Abalane où quelques personnes motivées accompagnent les enfants dans leur scolarité. Le budget de ce projet pour une année est de 5 768 € (3 784 000 FCFA) et c’est pour qu’il puisse continuer qu’une dotation même partielle vous est demandée.
Pour l'équipe de Jeunesse Horizons
Abaghane Moussa
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 21:08 0 commentaires
Voeux 2010
L’eau, la terre, l’air et le feu, et le « 5ème élément »
Comment émerger de cette fourmilière communautaire qu’est devenu notre monde, s’extraire de la ville, oublier le bruit, faire tomber la fièvre de l’agitation ; rentrer chez soi ou en soi, au campement, et retrouver des proches restés en retrait dans un coin paisible de campagne ou de pâturages, après avoir disputé sur les routes, dans les gares et les aéroports, des passages, des places et un peu de tranquillité pendant le voyage, avant d’atteindre le monde décalé pour un « reset » permettant de recommencer une nouvelle année avec de nouveaux projets?
Le feu et l’air
Certains font la virée inverse. Ce sont ces hordes de jeunes Chinois, ouvriers de ce monde, à peine empoussiérés par les aérosols du Sahara, pressés de rentrer chez eux en cette période de transition, après une difficile besogne à la recherche du feu en pays Touareg, dans un désert en trafic, aux caches de belle étoile ! Les officiers de contrôle des frontières de Niamey acceptaient, malgré la consigne, le départ de la Rép. Du Niger de Chinois aux passeports illisibles, à la langue incompréhensible, les obligeant d’être peu regardant en plus sur le poids des bagages. Peu importe qui est qui? Ils sont tous pareils, des Chinois, et ce monde le sera bientôt également, si ça n’est pas déjà fait… Ceux-là ne feront pas moins de quatre escales par le vol le moins cher, soit peut-être près de 48 heures de voyages à convertir en kilogramme de CO2 avant de rejoindre les aéroports de l’Empire d’air pollué.
D’autres quêteurs de feu coutumiers et accoutumés mettent à peine 5 heures pour atteindre Paname, la ville lumière et ses 30 ans déjà de vigilance d’Airparif.
L’eau et la terre
Là s’arrête la métaphore de la fourmilière, car plus en aval, cette dernière semble mieux organisée que notre monde actuel vieux de cinq siècles. Cette ruche qu’est devenu le monde avait pris un tournant depuis les conquêtes du 16ème siècle. Conquêtes, expropriation des terres, exploitation et spoliation des ressources naturelles, déplacement de l’homme du Sud et asservissement au travail au profit exclusif du grand violent et capricieux du Nord. La Tamazgha et Toumast connaissent cela depuis seulement un siècle et demi : colonisation, expropriation, installation. La même logique est toujours opérante encore, seuls changent l’objet de convoitise et les argumentations. Hier l’argent, l’or et l’encens, aujourd’hui le pétrole, l’uranium et le café ou le cacao, sachant que certains matériaux n’en ont plus que pour 50 ans d’existence maximum. Et que dire de l’eau, la même depuis l’âge de la terre ? Hier libre et gratuite, dont le lendemain ne dépend encore que de l’homo economicus et de la résistance que peut proclamer le peuple moins libre, les pauvres toujours plus nombreux, bâillonnés de plus en plus tous les jours.
Comment poursuivre la résistance qui naquit précisément au Nord, parmi les héritiers de ceux là même qui ont amorcé ce processus ? Ils ont aussi expérimenté les déficiences d’un système qui participe à la pauvreté, pire, la crée consciemment, et dont l’injustice morale envers les compatriotes est au moins proportionnelle aux richesses accumulées ? Voyons l’exemple de la résistance en France, d’une minorité (face aux nazis) naquirent la sécurité sociale, la retraite par répartition, la liberté de la presse…
Plus avant, dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau, le maestro de la révolution française, faisait de la création de la société civile (association de propriétaires) un acte d’appropriation :
"Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : ceci est à moi et trouva des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreur n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « gardez vous d’écouter cet imposteur, vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que le terre n’est à personne »".
Le cinquième élément
Les philosophes Grecs ont divisé l’univers en quatre éléments sacrés. Le cinquième, l’éther, la quintessence ou l’esprit (Akasha en sanskrit, dans la tradition indienne) s’est rajouté à mesure que s’élargit ou s’affine la connaissance de l’homme.
A vue et à force d’homme altruiste, seule l’idée et la pensée, en effet, viendront à bout, en dépit de la violence, de la marche désordonnée de ce monde ; profitons de ce temps d’accalmie relative dans le désert pour avancer, s’organiser. Mais avançons avec un motif d’indignation. Et vous avez là l’embarras du choix : la lutte contre la pauvreté, contre la faim, contre les injustices, contre la privatisation de l’eau, la lutte pour le respect des droits humains, la protection de l’environnement, la résistance à toute forme de fascisme, les projets de développement, le choix de la décroissance, le droit à la terre des sans terre, les droits des expropriés... Tous ces chemins mènent au monde décalé où, sans forcément vous y rendre, vous pourrez apercevoir des femmes et des hommes encore libres, à défaut de courageux veilleurs prêts à se mobiliser et à s’organiser.
Bonne année 2010 à toutes et à tous.
Le président de l'Internationale Touarègue
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 21:03 0 commentaires
mercredi 20 janvier 2010
ASEGGAS AMAYNU
I lmend n useggas amaynu 2960/2010, Agraw Amad’lan Amazigh issaram i yal timazighin d imazighen talwit, afud, izerfan, tilelli d akw ayen i ran ulawen.
Pour le peuple amazigh, l’année 2959/2009 a été marquée par un grand nombre d’actes de violations de ses droits et ses libertés : violences institutionnelles, arrestations et détentions arbitraires, jugements iniques, harcèlements des défenseurs des droits de l’homme, interdits frappant les activités des organisations de la société civile, privations des droits sociaux, culturels et linguistiques des Amazighs, etc. Les intimidations et la corruption sont également largement utilisées afin de museler toute velléité de réaction du peuple contre l’oppression.
Cependant, même accablés, les citoyens amazighs tentent de s’organiser afin d’opposer une résistance aux menaces et de crier leurs droits légitimes.
Conformément à sa mission, le Congrès Mondial Amazigh s’est toujours tenu aux côtés du peuple amazigh et n’a jamais ménagé sa peine afin de dénoncer et de faire connaitre au monde, la dureté des conditions de vie imposées aux Amazighs dans les différents pays où ils vivent. Avec courage, détermination et confiance, le CMA poursuivra son œuvre, quels que soient les obstacles rencontrés. Aux peuples et communautés qui forment la grande nation amazighe, le CMA rappelle que les droits et les libertés même s’ils sont légitimes, ne s’offrent pas mais s’imposent grâce à la conviction et la volonté populaires.
Par moments, notre vigilance peut baisser, on peut même être gagné par la lassitude et le découragement. C’est justement le moment que choisissent les ennemis de l’amazighité pour reprendre aux Amazighs le peu de droits et de libertés qu’ils ont chèrement acquis. Nous n’avons donc pas le droit de baisser les bras, ni de faiblir, à aucun moment. L’absence d’accord parfait entre toutes les organisations amazighes sur tous les sujets ne doit pas être un prétexte aux querelles et aux divisions. Soyons des hommes et des femmes responsables et efforçons-nous, malgré tout, d’œuvrer si ce n’est ensemble, au moins dans la même voie.
Imazighen, les Hommes Libres, font partie des derniers peuples dominés. Mais notre ambition est de corriger cette anomalie de l’histoire. Notre destin est de vivre libres et cela n’est ni démesuré ni utopique. La concrétisation de ce rêve, plutôt de ce droit, ne dépend que de notre volonté. Alors décidons ! Décidons de nous libérer !
Aseggas ameggaz, aseggas ifulkin, aseggas yeh’lan, aseggas ighudan, bonne année, feliz ano nuevo, happy new year.
1 yennayer 2960 – 12 janvier 2010
P/le Bureau et le Conseil Fédéral du CMA.
B. Lounes, Président
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 19:53 0 commentaires
Libellés : CMA
Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l'art rupestre saharien
Par Malika Hachide (Historienne)
Pour remonter aux origines préhistoriques et paléoberbères du peuple touareg, les spécialistes font appel à deux grandes catégories de sources: celle de l'archéologie et celle de l'histoire de l'Antiquité. Les sources archéologiques sont la paléo-anthropologie (l'étude des restes osseux11es monuments funéraires et l'art rupestre. Les sources historiques disposent de l'iconographie égyptienne et des témoignages des auteurs gréco-Iatins. Les architectures funéraires sahariennes se comptent par milliers] mais malgré l'excellente étude réalisée sur celles du Sahara méridional (Niger) (F.Paris) et secondairement celles du Tassili des Ajjer celles-ci n'ont pas encore livré tout leur potentiel de connaissances, notamment sur le type anthropologique physique des anciens Berbères qui y ont été inhumés. Les sources paléo-anthropologiques ne sont certes pas négligeables dans la région du Maghreb où des nécropoles ont livré quelques centaines de squelettes entiers de Mechtoïdes (Hommes des sites éponymes de Mechta-Afalou, en Algérie) et de Pro méditerranéens Capsiens (Hommes du site éponyme de Gafsa, en Tunisie). Mais, au Sahara où les collections sont plus réduites, éparses ou en attente d'analyses, iI est encore difficile d'avoir une vision claire des ancêtres possibles quoique nous sachions déjà que, là aussi, le peuplement des temps préhistoriques se partageait entre Mechtoïdes et Protoméditerranéens. Au Sahara central, dans les régions où le peuplement Touareg s'établira (Adrar des Ifoghas, Ahaggar Tassili des Ajjer, Tadrart Acacus et Tadrart méridionale, Air) la reconstitution de ce long cheminement historique et l'approche des lointains ancêtres des Touaregs doivent presque tout à l'archéologie, notamment l'art rupestre. Sans cet art, nous ne saurions que peu de choses sur les Premiers Berbères, sur leur apparence physique et leur vie quotidienne, leurs sociétés ou leur culture matérielle. Avec l'Antiquité, les témoignages écrits des auteurs gréco-Iatins (Hérodote, Strabon, Pline, Procope, Corippe ...), ainsi que des éléments historiques émanant du Proche-Orient, du monde égéen, des empires carthaginois et romains, mais aussi de l'iconographie de l'Egypte prédynastique et pharaonique vont apporter, à leur tour, une somme de connaissances; celles-ci, souvent recoupent les données archéologiques. Au Sahara central, les premiers Berbères apparaissent dès le Néolithique, la dernière et la plus brillante des civilisations du Sahara. On les appelle "les Protoberbères bovidiens" et leurs premières traces se manifestent vers 7000 ans environ. Ils vont évoluer en populations que l'on désigne sous le nom de "Paléoberbères", ces Libyens et Garamantesde l'Antiquité. Ils correspondent, dans le temps au début de l'Antiquité. D'autres vagues de migrations berbères se succèderont durant la périOde médiévale et moderne, notamment les grandes tribus chamelières Sanhadja qui fuient les conquêtes musulmanes pour s'établir au Sahara. Elles vont se sédimenter à la souche préhistorique et antique pour constituer la trame du monde touareg tel que nous le connaissons aujourd'hui. Ce cheminement historique millénaire résistera à toutes les adversités dont la plus éprouvante fut celle de survivre à l'âpreté du désert où le choix de rester libre guida ces nomades irréductibles.
C'est dans un Sahara encore vert, un foyer innovateur de la pensée et des techniques, que les Protoberbères bovidiens apparaissent, bénéficiant des derniers millénaires humides qui verdissent encore cette vaste région. Les plus anciens témoignages de la Berbérité sont donc des images, des fresques peintes et gravées datant des derniers millénaires de la préhistoire. La paléoclimatologie, les sites archéologiques et la faune sauvage reproduite par les peintures et les gravures montrent que le Sahara des Protoberbères se partageait entre la savane et la brousse, un paysage sur lequel régnait un climat de type sub-tropical, qui va, néanmoins, assez vite s'assécher: L'art rupestre et les ossements animaux découverts en fouille permettent de reconstituer toute une faune sauvage : éléphants, girafes, autruches, antilopes oryx et gazelles. Si le fleuve du Tafessasset avait gardé ses eaux, le désert n'aurait pas investi le Sahara : il serait devenu le Nil des Protoberbères dont le destin aurait été différent de celui d'avoir à lutter sans relâche pour la survie. Ils sont les riches héritiers de ce prodigieux progrès humain que fut la civilisation néolithique du Sahara, une des plus anciennes du monde, aussi ancienne et innovatrice que celle du fameux croissant fertile au Moyen- Orient. Quand, il y a 7 000 ans, les aristocrates protoberbères habillés de leurs beaux atours occupaient le Sahara, le nord de l'Europe découvrait à peine la poterie et l'Egypte n'était ni le territoire unifié, ni le pôle fondateur qu'elle deviendra deux milles ans plus tard. Comparés aux autres grandes ethnies de ce Sahara préhistorique, ces Protoberbères dénotent, car ils ne donnent pas l'impression de simples communautés de pasteurs-chasseurs, mais d'une véritable société construite autour d'usages, de conventions et de valeurs visiblement élaborés. Dans leur art, les signes extérieurs de l'abondance ne peuvent tromper: C'est un peuple civilisé comme le manifeste le soin apporté à la coiffure, au vêtement et à la parure, l'élégance de la pose et du geste, la qualité des relations humaines dominées par un haut niveau de convivialité où les scènes de palabres prennent l'allure de cérémonies de cour: On peut considérer leurs peintures comme l'un des points culminants de l'art rupestre saharien. Enfin, ces images préfigurent le statut privilégié de la femme touarègue. La société protoberbère était déjà constituée de plusieurs groupes se différenciant par la manière de se coiffer de s'habiller et se peindre le corps et peut-être même de parler le berbère avec chacun ses particularismes. Elle se différenciait également par des traditions funéraires diversifiées, chaque groupe ayant son type de sépulture et de monument cultuel.
L'art préhistorique de cette Berbérité naissante révèle déjà une des caractéristiques de cette ethnie: une inclination à la valeur guerrière et à la noblesse, étroitement liées au prestige social. On peut imaginer sans beaucoup se tromper que ce peuple était déjà porté par une valeur fondamentale: le code de I'honneur: C'est avec les Protoberbères que va se mettre en place l'appareil social et idéologique qui génèrera la civilisation paIéo-berbère puis la civilisation touarègue comme en témoignent les thèmes privilégiés de leurs fresques et le gigantisme de leurs monuments funéraires. Les Protoberbères bovidiens sont essentiellement des pasteurs qui élèvent des breufs (d'où leur nom), des chèvres et des moutons. Ils excellaient à la chasse. Seminomades, leurs habitats étaient diversifiés : courtes haltes quotidiennes autour d'un foyer, vastes abris-sous-roche réoccupés à chaque saison, campements de plein air avec des cases pour un plus long séjour. Ils confectionnaient des nattes qu'ils utilisaient comme velum de leurs cases de forme circulaire. Des peintures rupestres représentent des femmes protoberbères mettant en place ces cases exactement avec les mêmes matériaux et les mêmes gestes que les femmes touarègues d'aujourd'hui. La cueillette était un important appoint dans leur alimentation, notamment celles des graminées sauvages dont ils faisaient une abondante consommation. Disposant de vastes champs de graminées faciles à cueillir ces hommes bien que connaissant l'agriculture, ne semblent guère y avoir eu recours, car les traces de ces activités sont très ténues dans les fouilles archéologiques (pollens, graines).
Le quotidien de ces Protoberbères n'était pas fait que de corvées: ils avaient leurs loisirs, leurs jeux; il pratiquaient des cérémonies et des rituels que l'on retrouve, pour certain d'entre eux et de manière identique, dans les Touarègues.
Les Protoberbères ont un art très dynamique et libre : l'agitation des campements, les compositions très animées de rencontres et de palabres, de chasses très mouvementées, de divertissements, danses et jeux acrobatiques, les scènes d'échange de plumes -un geste d'hospitalité et de courtoisie, ou une sorte de reconnaissance de statut- les réunions animées de palabres et de discussions, le défilé des troupeaux sous la houlette du berger... Tout est toujours et partout en mouvement.
Les femmes protoberbères ont des formes opulentes et sont très élégantes. On les voit installer le campement, recevoir les hôtes d'importance et leur proposer de se désaltérer; elles ont la responsabilité du troupeau et de la traite et elles participent à la chasse. Elles sont le plus souvent vêtues d'une robe, avec, parfois, dessous, un pantalon; sur cette robe, elles portent une peau de bête nouée autour de la taille. Cette peau prendra une importance majeure avec les Paléoberbères de j'Antiquité. Hérodote, historien grec qui écrit au Ve siècle avant j.-C., nous apprend que les Grecs ont emprunté aux femmes libyennes la peau de chèvre, sans poils et teinte en rouge, et qu'ils en ont fait l'égide de la déesse Athéna. Cette égide annonce un autre vêtement, ce pan de tissu que les femmes de certains groupes berbères nouent, aujourd'hui encore, autour de la taille et que l'on appelle "fotta" chez les kabyles (Algérie). La linguistique confirme que la racine berbère RYD " chevreau " est peut-être à l'origine du mot grec " égide " (aigis, aigidos], "peau de chèvre", attribut de la déesse Athéna (S.Chaker).
Les hommes protoberbères sont fins et élancés. Ils vont souvent torse nu, une jupe pagne touchant aux genoux, parfois fendue sur le devant. Ils portent aussi une peau de bête autour des reins, ou attachée plus haut, au niveau des épaules, comme une cape. Ces capes manteaux ont parfois un capuchon et on pense, immédiatement, au "burnous" de nos Berbères montagnards. C'est exactement ce vêtement, confectionné dans du cuir, que portaient, il n'y a pas longtemps encore, les Touaregs de L'Air: II existe des habits bien plus riches et élaborés, avec foison de volants, festons, effilochures, passementeries, d'accessoires divers accrochés ça et là, une richesse vestimentaire qui est celle des tenues d'apparat. Les hommes et les femmes portaient des toques garnies de plumes quand celles-ci n'étaient pas fixées dans les cheveux.
C'est avec les Protoberbères qu'apparaît pour la première fois un trait culturel fondamental que nous n'hésitons pas à considérer comme le plus ancien témoignage de l'identité ethno-culturelIe berbère au Sahara, un trait que les Touaregs ont conservé. Il s'agit du port du double baudrier: il s'agit de deux cordons croisés sur la poitrine, puis attachés autour de la taille. Chez les Touaregs, on les nomme les elmejdûden (en tamâhaq) : le baudrier croisé symbolise l'action et la valeur guerrière et était appelé "cordon de noblesse" par les explorateurs et militaires européens du XIXe siècle.
C'est avec les descendants des Protoberbères bovidiens, les Paléoberbères Libyens, que le baudrier prend toute sa signification guerrière. Sa figuration dans les peintures égyptiennes tend à montrer qu'il pouvait avoir une signification encore plus importante: porté par les hommes, les femmes et même les enfants, il pouvait être considéré comme une sorte de" nous" collectif exprimant une véritable identité ethnique. Chez les Protoberbères, ce baudrier entre dans la composition de scènes reproduisant un rituel lié au combat et à la chasse. Avec les Touaregs, le baudrier croisé entre également dans l'initiation des adolescents au combat comme le révèle la fête de la Sebiba de Djanet (Algérie). Ce sceau identitaire de la Berbérité, comme l'égide d'Athéna empruntée par les Grecs, auront donc traversé près de 7000 ans !
Les peintures protoberbères représentent généralement une classe sociale au statut social privilégié; les caractéristiques de ce statut sont aisément identifiables: il s'agit des peintures et des tatouages corporels, des plumes dans les cheveux, du baudrier croisé, du bandeau frontal, du bâton de jet que les personnages tiennent à la main, arme de la bravoure et l'emblème de l'autorité. Ces individus sont représentés systématiquement associés à un mouton dans des scènes où les qualités physiques, compétitives et guerrières sont mises en relief; on y voit d'autres armes comme le javelot, l'arc et plus rarement un petit bouclier. Tous ces éléments culturels constituent des instruments de valorisation participant à la reproduction des élites sociales.
La pratique du tatouage et de la peinture corporelle chez les Paléoberbères de l'Antiquité représentait le signe extérieur de l'autorité et de la noblesse. Elle était déjà largement en usage chez les Protoberbères dont le corps est fastueusement peint, jusqu'au visage. On voit apparaître dans cette parure corporelle, ainsi que le décor des vêtements, de nombreux motifs géométriques: ils annoncent les signes et symboles caractéristiques de l'art berbère. Dès l'extrême fin du VIle millénaire BP. et le VIe millénaire BP., les souverains et dignitaires protoberbères se font enterrer dans de prestigieuses sépultures. Il s'agit d'une architecture de tombes et de sanctuaires monumentaux construits en pierres sèches. Au Sahara méridional (Niger) où des fouilles systématiques ont été entreprises, si on a découvert de nombreux squelettes, le mobilier funéraire reste rare, les poteries exceptées. Dans l'état actuel de nos connaissances, l'art rupestre reste donc l'unique document qui se prête à la reconstitution de la culture matérielle des Protoberbères bovidiens (ainsi que des Paléoberbères d'ailleurs). Ces sépultures monumentales sont l'expression d'une idéologie du pouvoir et le reflet d'une hiérarchie sociale au sommet de laquelle régnaient les membres de lignages dominants. La grande variété typologique des architectures funéraires et leur régionalisation reflètent la structure du peuplement protoberbère puis paléoberbère, chaque groupe faisant usage d'un type de tombe précis, parfois pour marquer son territoire. Cette régionalisation révèle donc l'existence de véritables tribus et confédérations, dont les particularismes n'effaçaient pas les traditions communes. C'est ainsi que seront organisées, plus tard, les sociétés touarègues. L'orientation systématique de ces monuments funéraires vers l'Est correspond à un culte des astres sur lequel nous reviendrons.
Des Protoberbères aux Paléoberbères
Aux Protoberbères bovidiens de la préhistoire et du Néolithique succèdent les Paléoberbères de l'Antiquité; on les appelle Libyens. Ils possèdent des chevaux et des chars, des armes et autres objets en métal et inventeront une écriture. Ils sont révélés par l'art rupestre saharien et l'iconographie égyptienne vers la fin du IVe millénaire avant j.-C. Au cours de l'Antiquité, les Grecs faisaient la distinction, en Afrique, entre les peuples indigènes, les Libyens et les Ethiopiens, et les peuples étrangers, c'est-à-dire les Phéniciens et eux-mêmes. Etre Libyen signifiait donc être africain et blanc, mais non égyptien. Les Libyens orientaux, qui vivaient dans les régions situées depuis le Delta du Nil jusqu'à la Marmarique et dans tout le Désert Libyque, étaient organisés en tribus et en grandes confédérations, chacune ayant un nom. Parmi les plus importantes se trouvait celle des Rebou ou Lebou, qui est très tôt mentionnée par les chroniques égyptiennes par les consonnes" R B W ". Le terme est repris par les Grecs qui en firent usage pour désigner le continent africain [comme le monde le connaissait à l'époque); le premier ethnonyme des Berbères, "Libyens" fut donc celui de l'Afrique, "Libye".
Les Paléoberbères du Sahara que nous appelons donc les "Libyens sahariens" sont les cousins et voisins des Libyens orientaux; ils sont contemporains des premières civilisations historiques de la Méditerranée comme l'Egypte, Mycènes, Crète, Carthage, Grèce et Rome, Byzance pour ne citer que les plus proches. Ces Libyens ont le plus souvent été présentés comme des peuples passifs hors du champ de l'histoire, sauvés de l'oubli par les témoignages écrits des autres, alors qu'ils ont contribué à écrire celle-ci en Méditerranée.
Dès la préhistoire, les Libyens orientaux et les Egyptiens furent en contact à travers le fracas des armes et des batailles (Prédynastique, fin du IVe millénaire avant j-C.). Ces audacieux voisins des pharaons comptaient quatre grands groupes: les Temehou, dans le désert, le long de la rive occidentale du Nil, les Rebou ou Lebou, les Tehenou et les Meshwesh, sur les côtes de la Méditerranée, depuis le Delta du Nil jusqu'à la Marmarique, la Tripolitaine et la Cyrénalque. On sait que des groupes libyens vivaient dans le Delta, le long du Nil et dans les oasis du Désert Libyque i ils contribuèrent ainsi au peuplement de l'ancienne Egypte. Les grandes tribus et confédérations libyennes, seules ou alliées aux Peuples de la Mer, s'attaquèrent plus d'une fois aux pharaons, constituant un danger permanent sur la frontière occidentale de cet empire.
Tribulations d'une ethnie
C'est au Nouvel Empire (notamment de 1307 à 1070 avant j.- C.), que la menace des Libyens orientaux fut la plus grande: alliés aux Peuples de la Mer venus de Lycie, d'Etrurie, de Sicile, de Sardaigne, d'Asie Mineure (sous la poussée d'invasions indo-européennes dans les Balkans qui les fait aboutir aux côtes africaines et débarquer en Marmarique, en transitant par la Crète), ils vont faire trembler la puissante Egypte des pharaons. Au cours du règne de Mineptah (1224-1214 avant j.C), l'Egypte doit faire face à une formidable coalition des Peuples de la Mer et des Libyens orientaux avec les tribus des Lebou, des Temehou, des Meshwesh et des Kehaka. C'est un chef libyen, Meghiey, fils de Ded, roi des Lebou, qui commande les coalisés dont le nombre s'élève à 20 ou 25 000 guerriers. Que ce soit Meghiey qui fut choisi pour diriger cette impressionnante coalition prouve la puissance de ces Libyens, leur capacité à s'organiser et à s'attaquer à l'un, sinon le plus grand empire de la Méditerranée antique. Le fait que les attaquants libyens soient de véritables immigrants, des tribus entières d'hommes, de femmes et d'enfants, transportant avec eux tous leurs biens, montre qu'ils fuyaient l'aridité de leur pays pour l'abondance de la vallée du Nil. L'iconographie égyptienne a abondamment représenté les Libyens orientaux, notamment leurs rois. Ces souverains sont vêtus de la tunique royale nouée sur l'une des deux épaules. La cape des Libyens représentés sur les rochers du Sahara (Tassili des Ajjer; Ahaggar, Tadrart Acacus et méridionale) est identique à la tunique des Libyens orientaux des fresques égyptiennes. Comme eux, d'ailleurs, ils portent le baudrier croisé et les plumes dans les cheveux. Libyens sahariens et Libyens orientaux faisaient partie de la même grande famille des Libyens de l'Est [occupant les territoires de la Libye, la Tunisie et la région occidentale de l'Egypte actuelles1 eux-mêmes cousins des Libyens occidentaux [habitant les régions de l'Algérie et du Maroc actuels).
Le contexte socioculturel des Paléoberbères offre de nombreuses similitudes avec les Touaregs d'aujourd'hui, à tel point que nous ne pouvons qu'admettre que leurs lointains ancêtres -les Protoberbères bovidiens du Néolithique, puis les Libyens sahariens des débuts de I'Antiquité- constituent assurément la souche la plus ancienne du peuplement touareg. Les souverains des Libyens orientaux portent sur la tempe la" tresse berbère ", une coiffure caractéristique que les explorateurs européens, abordant le pays touareg au XIXe siècle, ne manqueront pas de signaler [par exemple Heinrich Barth en 1851 chez les Touaregs de l'Air, au Niger).
D'autres fois, ils portent sur la poitrine le fameux baudrier croisé ainsi qu'un collier à pendeloque. Comme les Protoberbères, leur corps est orné de nombreux tatouages. Ces tatouages et les capes décorées des Libyens orientaux reproduisent les motifs caractéristiques de l'art géométrique berbère, comme le triangle, le losange, la ligne brisée ou la croix. Parmi ces tatouages, on identifie le symbole de la déesse Nit ou Neith. Tatouages et plumes sont réservés aux représentants de l'échelle sociale la plus élevée, comme le chef de la tribu des Rebou qui, figuré avec ses guerriers, est le seul de son groupe à être tatoué et à porter deux plumes, symbole du plus haut niveau de chefferie. Ces souverains ont le front ceint d'un bandeau frontal comme, plus tard les rois numides figurés sur les monnaies. Ils portent des bracelets aux avant-bras à l'instar de leurs descendants touaregs. Dans l'art égyptien, les souverains libyens ont les yeux foncés ou bleus, une courte barbe et portent des anneaux aux oreilles. Le chef de la tribu avait un pouvoir héréditaire. Chez les Alitemnii, on choisissait comme chef le plus rapide, et, pour l'assister le plus juste. On alliait ainsi force et jeunesse à l'expérience et la sagesse. Celui-ci était assisté d'un conseil. La société semble avoir été structurée selon des valeurs aristocratiques où le roi, qui deviendra un ancêtre héroïsé, constitue la valeur suprême.
La période paléoberbère de l'art rupestre saharien qui correspond à l'Antiquité est constituée de deux phases. La première, la plus courte, est celle des Libyens sahariens; la seconde n'est qu'un simple continuum des caractéristiques socioculturelles de la première, avec toutefois des éléments nouveaux d'une importance capitale: l'apparition des métaux et des premiers signes d'écriture. Parmi les peuples paléoberbères, l'entité saharienne la plus puissante, avec celle des Gétules, sur laquelle nous avons le plus de renseignements historiques, est celle des Garamantes. Tacite [historien latin, Ier-Ile siècles de notre ère) disait de ce peuple qu'il constituait" une nation indomptée ". Seul état organisé de l'Afrique intérieure au sud des possessions carthaginoises et romaines, les Garamantes représentaient une entité régionale considérée comme un véritable royaume dans la littérature gréco-romaine, un centre de pouvoir à la fois politique, économique et religieux. Nous avons donc choisi ce nom, en guise de terme générique, pour désigner les hommes et les femmes de la seconde phase de la période paléoberbère de l'art rupestre saharien, descendants directs des Libyens sahariens.
Dans l'art rupestre, les personnages garamantiques portent une tunique en cuir, tombant à mi-cuisse et serrée à la taille qui leur donne une allure de diaboloj c'est la raison pour laquelle les spécialistes les ont aussi appelés" les bitriangulaires "o Comme le baudrier croisé, cette tunique en cuir a eu une longévité historique remarquable: ce vêtement en cuir souple s'est conservé jusque chez les Touaregs, chez les Isseqqamaren de l'Ahaggar par exemple, et l'on peut en voir un bel exemplaire exposé au musée du Bardo à Alger.
Guerre, luxe et aristocratie
Hérodote nous présente le Sahara comme un désert infernal inhabité et si on devait s'en tenir à l'histoire, sans les peintures et les gravures rupestres d'une part, et les monuments funéraires d'autre part, les Libyens sahariens n'auraient jamais existé. Ces sahariens, comme leurs prédécesseurs, se présentent comme une aristocratie guerrière. Le signe de leur autorité était le bâton de commandement qui avait valeur de sceptre. Dans les années 1930, les chefs touaregs tenaient encore cet emblème à la main, appelé " talak " en " Tamâhaq " .
Un des thèmes les plus caractéristiques de l'art paléoberbère est celui que nous avons individualisé comme" la danse des bâtons" : deux ou plusieurs hommes se font face et croisent leurs bâtons comme s'ils sautaient ou dansaient. Ce genre de scène évoque une danse bien connue des Libyens orientaux, plus exactement les Temehou chez lesquels il s'agissait d'une danse guerrière [peut-être même des préparatifs de guerre); les Temehou dansaient en entrechoquant leurs bâtons de jet! Encore une fois, la danse des bâtons est encore pratiquée par les Touaregs. Les Touaregs portent un poignard attaché à l'avant-bras: le type de fixation de cette arme est déjà représenté chez les Libyens sahariens, il y a près de 1 500 ans avant J-C. Pourtant, cette façon d'attacher son poignard n'est signalée qu'au Vie siècle de notre ère par Corripe. Les Libyens sahariens portaient, attachés en bandoulière, des poignards similaires aux dagues métalliques de leurs cousins, les Libyens orientaux. Ce port est identique à celui qui avait cours chez les peuples de la Méditerranée orientale : c'est ainsi que les fantassins grecs de l'armée de Pharaon ou les guerriers Poulastii, un groupe des Peuples de la Mer portaient la grande épée, dite" mycénienne ".
Parfois, les Libyens sahariens ont de véritables casques évoquant aussi le casque mycénien. Ces éléments montrent que les Libyens au centre du Sahara ne vivaient pas isolés et qu'ils avaient connaissance des peuples et des cultures de la Méditerranée orientale. Les Libyens sahariens n'ont ni l'allure de chasseurs ni celle de pasteurs, mais celle de personnages princiers. Ils sont d'une élégance et d'un raffinement de cour royale. Les listes de butins soigneusement consignées par les scribes égyptiens laissent deviner un luxe et un train de vie surprenants. Ce n'était pas de frustres nomades: hommes et femmes appréciaient les belles toilettes, buvaient et mangeaient dans de la vaisselle de bronze.
La femme libyenne a une position sociale et politique semblable à celle de l'homme. Elle porte le baudrier croisé et fixe des plumes dans ses cheveux i elle tient le bâton de commande- ment à la main et peut-être armée d'un javelot et d'un bouclier. Les auteurs grecs et latins ont écrit qu'elle dirigeait des chevaux et des chars et qu'elle combattait aux côtés des hommes: c'est ce que confirment les peintures rupestres. Son rôle guerrier n'est donc plus à démontrer: Si on devait s'en tenir à nos traditions, le statut de nos ancêtres femmes, rend injuste celui qui nous est aujourd'hui imposé.
Des chevaux et des hommes
Le statut guerrier de ces personnages est également mis en valeur par l'apparition du cheval et du char. En effet, les Paléoberbères vont faire une acquisition de taille: celle du char et du cheval, deux éléments qui vont devenir l'instrument idéal de leur suprématie. Les Paléoberbères étaient les plus redoutables cavaliers et conducteurs de chars quel' Antiquité ait connus. Ils montaient à cru, une monte unique en Méditerranée qui faisait l'étonnement de tous les auteurs gréco-Iatins qui n'ont pas manqué de souligner leurs talents équestres. Ils étaient sollicités sur les champs de bataille de la Méditerranée où, souvent, c'est grâce à leur adresse et leur bravoure que des victoires étaient remportées par les Carthaginois, les Perses ou les Romains. Le char était un véhicule pour la chasse, la course, et surtout la guerre ; il était aussi un objet de parade et de prestige, prérogative des chefs, des guerriers et des dignitaires. Le système d'attelage du char à une barre de traction, placée sous le cou du ou des chevaux, a été inventé par les Libyens sahariens. Ce n'était pas un mode de traction mais un procédé de dressage. On considère que les Paléoberbères ont mis au point le plus vieux " manuel de dressage et de ménage " O.Spruytte]. Hérodote écrit que ce sont les Libyens qui ont appris aux Grecs à atteler à quatre chevaux. Ils ont également inventé une roue inconnue de l'Antiquité, une roue qui pouvait se monter et se démonter sans aucun outillage; le nombre élevé de rais, huit par exemple, avait un effet ralentisseur sur un côté du char, ceci dans Je dessein de contenir un cheval trop rapide lors du dressage.
En inventant l'attelage par barre de traction et une roue d'une minutieuse industrie, les Paléoberbères du Sahara ont non seulement démontré leurs capacités technologiques, mais ils ont aussi apporté leur contribution à l'évolution technologique de la civilisation méditerranéenne en mettant au point " une méthode de dressage absolument originale et jusqu'ici insoupçonnée" O.Spruytte).Associée à l'usage de timons multiples, cette méthode permettait de dresser des chevaux à l'attelage en huit jours comme l'a montré l'expérimentation archéologique réalisée par l'équipe de Jean Spruytte, spécialiste du cheval dont les travaux sur la tradition équestre nord-africaine ont précieusement éclairé les archéologues. Les Libyens orientaux et sahariens, loin de vivre
en marge des grands évènements historiques de l'Antiquité ont incontestablement participé au grand mouvement de la charrerie méditerranéenne. Si, dès le milieu du Ille millénaire avant J-C, les Libyens sahariens possédaient des poignards et des dagues importés de la façade méditerranéenne (auprès des Egyptiens, des Mycéniens ou des Asiatiques11eurs successeurs, les personnages garamantiques fabriqueront eux-mêmes leurs armes métalliques à partir de minerais et d'un savoir métallurgiste locaux. La métallurgie du cuivre (et dès lors du bronze) au Sahara méridional
remonte au IXe siècle (Niger) et Ville siècle (Mauritanie) avant j-C Puis, les Paléoberbères du Sahara inventent la métallurgie du fer en même temps que l'Egypte ou la Mésopotamie, il y a environ 3000 ans (massif du Termit, Niger). Il a donc existé au Sahara un véritable foyer autochtone africain d'invention métallurgique.
Un habitat paléoberbère, le site d'lwelen (Aïr Niger), a livré des pointes de lance en cuivre. Il a été daté entre 830 plus ou moins 40 BC et 195 plus ou moins 50 BC en âge 14C calibré. Les précieuses datations du site d'lwelen permettent d'établir une chronologie de la période paléoberbère. Les pointes métalliques d'lwelen sont identiques à celles qui ont été gravées sur des rochers du même site et qui sont associées à des gravures de chars schématiques. Sachant que les chars peints au galop volant remontent à environ 1500 avant J-C et que ceux du site d'lwelen sont des chars schématiques qui leur sont postérieurs, sachant que ces derniers sont associés à un habitat daté du 1er millénaire avant J-C, c'est donc après 1500 avant J-C et avant 1000 avant J-C que les Paléoberbères sahariens aient découvert les métaux; c'est alors que les Libyens sahariens deviennent dans l'art rupestre les personnages garamantiques bitrangulaires brandissant des javelots à armature métallique (M.Hachid). On sait que les Touaregs sont le seul groupe berbère à avoir conservé l'usage de l'écriture. Leurs ancêtres, les Paléoberbères nous ont légué des milliers d'inscriptions sur les rochers du Sahara, des inscriptions de l'écriture libyque qui donnera le tifinagh (pluriel de" tafinek ") allant de l'Antiquité jusqu'aux temps présents. Le libyque appartient à la grande famille de langue dite"afro-asiatique ou afra-sienne" (anciennement appelée chamito-sémitique) à laquelle se rattachent des langues comme l'égyptien ancien ou le sémitique. Il recouvrait différents alphabets ayant des caractéristiques communes, mais dont l'expansion dans l'espace et le temps, a abouti à la diversification d'une partie des signes et de leur valeur Les alphabets en usage dans les régions sahariennes, territoires des Gétules et des Garamantes, sont malheureusement les plus mal connus et les plus mal situés dans la chronologie.
Des signes et des lettres
On savait néanmoins, par l'inscription gravée d'Azzib n'lkkis (Yagour Haut Atlas, Maroc) que cette écriture datait au moins des V I Ie Ve siècles avant notre ère et par le mausolée funéraire dit de " lIn Hinan " (AhaggaljAlgérie) que les tifinagh récents peuvent remonter au Ve siècle de notre ère. C'est chez les Paléoberbères sahariens que l'on trouve les plus anciennes inscriptions libyques (M.Hachid)j elles apparaissent plus précisément dans la seconde séquence de l'art paléoberbère saharien, celle des personnages gara mantiques, dans un contexte caballin. Comme les Garamantes bitriangulaires, elles sont donc apparues après 1500 ans avant J.C et avant 1000 ans avant j-C, c'est-à-dire dans la seconde moitié du second millénaire avant j-C. L'alphabet phénicien a vu le jour entre 1300 et 1200 avant j-C : c'est exactement la période à laquelle le libyque apparaît sur les rochers du Sahara, par conséquent, la contemporanéité de ces deux écritures ne permet pas d'envisager que le libyque soit issu du phénicien et encore moins du punique. Toutefois, des échanges ne sont pas impossibles.
D'autres éléments d'ordre archéologiques et historiques montrent que l'écriture libyque pourrait avoir une origine autochtone et une genèse locale. C'est ce qu'indique le fait que les plus anciennes inscriptions se localisent au Sahara central, bien loin des domaines phénicien et carthaginois et des zones d'influence punique. Un autre indice est celui de l'art géométrique berbère sur lequel nous allons revenir plus amplement. Les tifinagh anciens apparaissent avant l'arrivée du dromadaire au Sahara, mais on ne sait pas avec exactitude quand cet animal a atteint le désert.
Toutefois, le dromadaire est tout à fait repérable, par les témoignages historiques, dans le dernier siècle avant notre ère avant d'abonder dans la partie orientale de l'Afrique romaine dès les premiers siècles de notre ère. Les tifinagh anciens ne peuvent donc qu'être apparus au cours du dernier millénaire avant J-C, avant le dernier siècle (au moins). Ainsi, les tifinagh anciens ont au moins six siècles d'âge et les écritures libyques ont pu durer plus de 1000 ans. Nous avons déjà évoqué l'apparition de signes géométriques d'une grande diversité qui a pu donner naissance à une graphie locale. Les plus anciennes manifestations de ces motifs apparaissent avec les Capsiens du Maghreb (décor des objets utilitaires, art rupestre et mobilier), il y a environ 10000 ans. On les retrouve chez les Protoberbères bovidiens du Sahara Central, il y a 7000 ans (peintures corporelles et tatouages, décor des vêtements). Ils se multiplient avec les Libyens orientaux et sahariens, il y a 3500 ans. Dans tous ces groupes humains, constituant les premières étapes du peuplement berbère, du Maghreb au Sahara, on retrouve ce vieux stock de signes divers : c'est dans ce creuset iconographique, datant de la plus lointaine préhistoire, que des éléments ont pu se prêter progressivement à la mise en
place d'un langage idéographique primaire (M. Hachid). Ce n'est qu'avec les Paléoberbères Garamantes que ce système s'est orienté vers une forme scripturaire pour donner les premiers caractères d'écriture, dans la seconde moitié du second millénaire avant J-C. Les Paléoberbères, et peut-être déjà les Protoberbères bovidiens du Sahara et les Protoméditerranéens du Maghreb ont donc possédé des symboles ayant valeur de véritables idéogrammes, une graphie naissante porteuse de sens et issue de leur art géométrique. Assurément, ils ont dû l'améliorer au contact d'autres systèmes d'écriture et alphabets de la Méditerranée orientale. L'art géométrique berbère, qui pourrait avoir inspiré la genèse de la graphie libyque, se conservera jusqu'à nos jours dans les arts populaires (tissage, tatouage, peintures murales, sculpture sur bois, décor de bijoux, poterie. ..). L'ascension de l'élite protoberbère se continue avec l'élite aristocrate paléoberbère et se traduit dans les mentalités par une sorte d'exaltation de l'aristocratie et de la noblesse guerrière. Cette société était une société de chevalerie, de courtoisie où la musique et l'importance des sentiments décrivent une civilisation de raffinement. Certaines scènes de rapprochement sentimental entre couple préfigurent une tradition socioculturelle propre au monde touareg, celle de l'ahal, une soirée de divertissement qui se tenait au campement et rassemblait les adolescents. Ces jeunes gens y faisaient de la poésie, de l'esprit, de la musique et se choisissaient. Comme chez les Protoberbères, la société était mixte et la femme omniprésente. La femme touarègue héritera d'une grande partie de droits de ces prestigieuses ancêtres, droits qui lui sont progressivement ôtés par d'autres législations. Les Paléoberbères élevaient des bœufs, des ânes, des chèvres et des moutons; ils chassaient une faune relictuelle de girafes, rhinocéros, éléphants, une faune qui montre que le désert n'a pas encore complètement eu raison du Sahara, mais qu'il gagne à grands pas. Sur les parois, leurs artistes ont presque exclusivement représenté la classe dominante de leurs sociétés, des sociétés qu'on devine bien hiérarchisées, avec maîtres et sujets, et peut-être déjà des esclaves noirs, bien que les Mélanodermes de la Préhistoire, ces "Ethiopiens" de l'Antiquité et "Harratines" d'hielj soient de moins en moins représentés dans l'art paléoberbère. Comme les Protoberbères, les souverains paléoberbères se faisaient enterrer dans de grandes sépultures associées à des sanctuaires datés du IVe millénaire B~ Les vestiges que les fouilles y ont révélés montrent qu'ils étaient très proches des Touaregs actuels. Ces recherches ont montré que le tumulus à cratère peut être mis en relation avec des traditions augurant de la culture touarègue : au Sahara nigérien, la fouille de l'un d'eux a mis au jour une femme d'une cinquantaine d'années dont les vêtements et leur décor, ainsi que les motifs des bijoux, étaient de culture touarègue.
Croyances et mysticisme
Cette sépulture est datée entre le Ville et Xe siècle ; elle remonte donc au début de l'islamisation, mais ni cette femme ni sa tombe n'étaient musulmanes. Dans un autre type de sépulture, la bazina, on a découvert des poteries décorées, la réplique exacte des récipients en bois des Touaregs. Comme leurs ancêtres protoberbères, les Paléoberbères pratiquaient le culte des astres, essentiellement celui du soleil et de la lune, et s'adonnaient à quelques pratiques de divination.
Ces croyances sont révélées par l'orientation systématique vers l'Est de leurs monuments funéraires mais aussi par les témoignages historiques. Hérodote nous apprend que tous les Libyens sacrifiaient à la lune et au soleil et à nul autre dieu (à l'exception d'un groupe qui révérait aussi la déesse Athéna). Ibn Khaldoun, au XVe siècle, témoigne des mêmes croyances quand il écrit que l'Islam trouva en Afrique du Nord des tribus berbères qui confessaient la religion juive, d'autres qui étaient chrétiennes et d'autres encore païennes, adorant la lune, le soleil et les idoles. Le recours à l'incubation, c'est-à-dire à la divination par les songes sur les tombes des ancêtres morts, se pratiquait il n'y a pas longtemps encore chez les Touaregs. Nous y avons nous-mêmes eu recours avec l'aide d'une amie targuia. Les serments se faisaient aussi sur la tombe des ancêtres. L'existence de bétyles et d'images rupestres représentant de grands personnages, inhabituels dans cet art, tendent à indiquer un culte des ancêtres et de leurs mânes, ancêtres qui seraient devenus des héros mythiques. On a d'ailleurs conservé chez les Touaregs le souvenir de plusieurs saints antérieurs à l'Islam. Les rois des Libyens orientaux portaient des tatouages représentant le symbole de la déesse Nit ou Neith. Le Dieu Ash était considéré par les Egyptiens comme "le Seigneur des Libyens". On sait aussi que les Grecs ont emprunté des Dieux aux Libyens, notamment ceux qu'ils appelleront Poséidon et Athéna. Quant au dieu Ammon, que l'on vénérait dans l'oasis de Siwa (Egypte), et qui rendait des oracles, il était célèbre dans toute la Méditerranée. Pour se donner une ascendance divine, Alexandre le Grand n'hésita pas à traverser le Désert Libyque pour aller le consulter: Enfin, on sait que si plusieurs groupes berbères ont adopté le judaïsme puis le christianisme, leur toute première conversion à la religion musulmane fut celle d'un kharidjisme irrédentiste, répondant à la conquête arabe. Sur le plan climatique, le Sahara est entré dans une phase de sécheresse qui dure jusqu'à nos jours. Mais la paléo-climatologie a établi qu'une pulsation humide est intervenue au cours du ter millénaire avant j-C; elle a certainement contribué à l'énorme progrès civilisationnel que les Paléoberbères sahariens ont alors accompli. Mais, une fois cette rémission achevée, l'aridité reprendra ses droits et aux alentours de l'ère chrétienne, elle fait basculer le Maghreb vers la Méditerranée, le séparant de l'Afrique noire. Alors, seul le dromadaire et la datte ont épargné au Sahara de se transformer en un désetotal, un désert d'eau et d'hommes. La vie se réfugiera dans les oasis qui deviennent des pôles de sédentarité, mais aussi de pouvoir: Quand le dromadaire se répand au Sahara, il s'intègre sans bouleversement dans ce monde paléoberbère qui demeure, à quelques nouveautés prés, le même dans sa culture et son atmosphère. Même si on ignore son origine exacte, le dromadaire fait très tôt partie du paysage nord-africain. Les témoignages écrits sont très peu nombreux au 1er siècle de notre ère, mais l'animal est de plus en plus mentionné aux Ille, IVe et Ve siècles, pour devenir omniprésent au VIe. Au Ille et IVe millénaires de notre ère, de puissantes tribus berbères en font un usage domestique, mais aussi guerrier et militaire. Au Vie siècle, Corripe et Procope relatent de véritables batailles entre ces tribus et les armées byzantine et vandale. Ces tribus chamelières sont en majorité signalées par les auteurs latins dans les régions orientales de l'Afrique romaine puis byzantine, à l'ouest du Nil, depuis la Cyrénaique jusqu'à la Tripolitaine. Pour certains, l'origine du dromadaire ne peut être qu'orientale et les invasions assyriennes de l'Egypte, aux VIlle et VIle siècles avant J.C, en seraient le premier relais vers l'Est et le Maghreb. Le roi Assarhadon traverse le désert de Sinai grâce aux chameaux prêtés par ses alliés arabes qui servent à transporter eau, vivres et autre matériel. Puis le dromadaire est mentionné en 525 avant J.C, lorsque Cambyse atteint la Cyrénaique. En 324 avant j.C, pour se rendre à Siwa, Alexandre le Grand fait transporter ses outres d'eau par des chameaux. Dans la partie orientale de l'Afrique du Nord, les invasions des uns et des autres ont fait usage du dromadaire, et ce jusqu'en plein pays libyen. Une autre hypothèse fait venir le dromadaire directement de l'Ethiopie, laquelle l'aurait reçu de l'Arabie par le détroit de Bab el-Mandeb. Les Paléoberbères de la fin de l'Antiquité qui adoptent le dromadaire évoluent dans un désert avec un environnement animalier très pauvre. La faune sauvage se réduit aux lions, à la gazelle, mouflon, antilopes, quelques girafes, félins et chacals. On se demande ce que serait devenu le Sahara sans le dromadaire. Non seulement, cet animal permit aux hommes de s'y maintenir; mais il renforça leur rôle économique, permettant par l'intermédiaire de la caravane de transporter toutes sortes de marchandises du Soudan vers la Méditerranée, et par là de mettre les sahariens en contact avec d'autres hommes, d'autres cultures. C'est grâce au dromadaire que les explorateurs iront plus loin vers le Soudan, et sans les compagnies méharistes, les militaires français auraient mis deux fois plus de temps à faire la conquête de ce désert impitoyable. L'art rupestre camelin est quasi-identique au monde touareg actuel. On y voit des méharistes chevauchant sans selle, armés du javelot et du bouclier rond, du POignard- pendant de bras, de l'épée droite à pommeau et double tranchant, de la cravache de chameau en cuir souple; ce dernier objet apparaît comme un signe de noblesse et de pouvoir que l'on pourrait mettre en relation avec la qualité de méhariste, sachant que, comme pour le cheval, seuls les nobles et les puissants avaient les moyens d'acquérir ces précieux animaux. Ces méharistes se représentent la plupart du temps dans des scènes de chasse et surtout de bataille où des caravanes sont interceptées et font l'objet d'une véritable razzia.
Souvent, face aux parois rupestres, nous sommes demandés s'il était possible de détecter à quel moment les chameliers Sanhadja-Huwwâra, l'étape la plus récente du peuplement berbère au Sahara, celle dont les Touaregs sont les plus directement issus, fait son apparition. Comment les populations qui ont précédé l'arrivée des tribus Huwwaâra, venant du nord dans leur fuite des conquêtes musulmanes, ont- elles accueilli ces nouveaux venus ? Certes, elles parlaient la même langue qu'eux et possédaient la même culture, mais c'étaient aussi des étrangers avec lesquels il fallait partager des territoires et des pâturages déjà bien maigres.
Protoméditerranéens de la Préhistoire, Libyens et Garamantes de l'Antiquité, Berbères du Moyen Age, enfin, Imazighen actuels : telle est l'extraordinaire permanence de l'histoire du peuple berbère. Parmi eux, les Touaregs sont certainement ceux qui illustrent le mieux cette exceptionnelle longévité puisqu'on peut établir sans doute aucun, des liens directs avec un peuplement préhistorique remontant au VIle millénaire dont ils ont conservé de très nombreux traits socioculturels comme nous espérons l'avoir démontré dans nos ouvrages. Peu de peuples sur cette terre peuvent se prévaloir d'une ancienneté aussi importante.
Melting pot
L'historiographie continue d'appréhender les sociétés en termes de manque ou de retard et ceci dans tous les domaines : qu'il s'agisse d'économie, de culture, d'administration, ou de l'insertion des hommes dans une histoire non pas passive mais transformatrice. Le Proche orient, l'Occident antique et moderne restent les références à partir desquelles sont déterminés les écarts. L'Egypte, la Grèce ou Rome sont désignées comme les seules cultures, les seules lumières du monde, les autres régions ne reflétant que de façon affaiblie les lueurs qu'elles en reçoivent. Hélas, il semble que l'histoire ancienne des Berbères, que la Protohistoire de l' Afrique du Nord aient été écrites sur ce seul critère discriminant Sans compter le fait qu'elles furent souvent tributaires de modèles souvent induits de l'Europe.
Il est nécessaire aujourd'hui de faire une appréciation civilisationnelle objective des Paléoberbères sahariens, parents pauvres de la Méditerranée antique, victimes d'un dialogue nord-sud de l'écriture de I'histoire, de les considérer pour eux-mêmes et non pas systématiquement par rapport à des pouvoirs dominants et des civilisations plus brillantes. Certaines conceptions ainsi qu'une terminologie anciennes, et, surtout orientées, ne peuvent plus avoir cours, car elles sous-tendent une approche subjective de l'histoire des peuples des rives sud de la Méditerranée trop souvent sou~ évaluée par rapport à celle des rives nord. La diffusion civilisationnelle et civilisatrice systématiquement orientée du nord vers le sud, cette écriture victime d'un dialogue nord-sud historique et européo-centrique ne peuvent plus être admises. Le changement ne peut que s'inscrire dans une terminologie nouvelle, plus précise et plus juste, dans une réécriture exprimant les connaissances à travers des critères et des conceptions objectifs.
photographies : ©Catherine et Bernard Desjeux, journaliste, reporter photographe :http://bernard.desjeux.free.fr
Chronologie de dix années d'événements survenus dans les régions de l'Azawad (région Touarègue du Mali), l'Azawagh et l'air (Niger)
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 19:48 0 commentaires
Touareg du Mali - Touareg du Niger
Touareg du Mali : du conflit local à l’enjeu transnational
Le nord du Mali est secoué par un conflit entre Bamako et une guérilla touareg qui a augmenté en intensité depuis 2006. Mais le conflit date de l’indépendance du pays. Anne Saint-Girons rappelle que ce soit face au colonialisme français ou aux Etats indépendants malien et nigérien, les «hommes bleus» du Ténéré ont régulièrement pris les armes contre ceux qu’ils estiment être des envahisseurs et des oppresseurs. En 1914, les Touareg maliens sont les premiers à se révolter et à utiliser les armes contre l’administration coloniale française, considérée comme un asservissement. Les Touareg réclament «l’Organisation commune des régions sahariennes» (OCRS) correspondant à l’espace occupé et l’organisation d’un État. La France s’y opposa.
Le conflit au Mali
Après l’indépendance, l’administration et l’armée maliennes occupent les postes laissés par les administrateurs français, sans effacer l’impression d’oppression. Dès 1959, les Touareg se révoltent, et ne déposent les armes qu’en 1964. Les combats cessent, mais pas l’hostilité. Très vite un fossé se creuse avec la région de Kidal qui reste une zone dangereuse, interdite aux touristes et fortement militarisée. D’ailleurs, Gao, ville mythique, capitale des Askias (chef religieux) au XVIe siècle est la septième région du Mali mais aussi comme le point de départ du conflit qui frappe la partie septentrionale de ce pays. L’ensemble de la région du Nord est traversé, depuis l’accession du Mali à l’indépendance, par des rébellions armées (1962-1964) que les différents gouvernements ont essayé d’enrayer en vain par la répression. Le mot «Touareg» est lui-même révélateur. Il s’agit d’un surnom venu de la langue arabe, les nomades se nommant entre eux «Kel Tamasheq» (littéralement, ceux qui ont pour langue le berbère tamasheq). Rappelons que le Nord-Mali correspond à l’espace géographique des trois régions économiques et administratives de Tombouctou, Gao et Kidal, soit près des deux tiers du territoire national avec environ 10% de la population du Mali. Au Mali-Nord, les populations blanches nomades du Sahara (Touareg et Maures) cohabitent avec les populations noires d’agriculteurs et d’éleveurs. Les nomades s’opposent à l’autorité centralisée des Etats qui personnifient des frontières intangibles, en totale contradiction avec leur mode de vie et leur culture. Le conflit s’est aggravé avec l’accumulation des frustrations nées de discriminations entre populations noires et nord-africaines et entre sédentaires et nomades. Cet aspect relatif aux relations entre l’autorité centrale et les forces locales est mis en avant par Baba Dembélé et Boubacar Bâ qui étudient les conflits fonciers pastoraux et le manque de décentralisation. Pour eux, si les communes et les élus sont connus, leur rôle et leurs responsabilités dans le développement local sont encore largement ignorés, surtout quand il s’agit de la sécurisation de l’accès au foncier rural et aux ressources naturelles locales. Concernant cet important élément de la vie économique et des distributions des richesses, les responsables locaux sont jugés, au mieux impuissants, au pire, complices des spoliations. Les deux chercheurs estiment que «la politisation excessive des élus locaux et les promesses électorales répétées et non tenues ont fortement contribué à la décrédibilisation de la décentralisation». Un exemple est donné à travers la région de Saré Seyni, où la taxation de la transhumance est particulièrement mal vécue par les éleveurs, car considérée comme le symbole d’une augmentation inacceptable des coûts de la transhumance qui les conduit chaque année du Delta vers les pâturages du Mema, au Nord. En fait, les communes sont perçues comme de nouveaux prédateurs par les éleveurs qui versent dans l’incivilité. Pour Awanekkinnan, l’insécurité latente dans le Nord a fini par créer des conflits entre ethnies du Mali et plus seulement entre rebelles touareg et militaires du gouvernement. Celui-ci annonce, d’ailleurs, sporadiquement avoir tué ou arrêté des membres d’une milice rebelle anti-touareg. Ce type de groupe s’est multiplié. Un exemple. «Les fils de la terre», constitués d’une centaine de Peulhs et de Songhaïs, deux des autres ethnies représentées dans le Nord-Mali Ce groupe est dirigé par un ancien officier de l’armée et attaque régulièrement les Touareg. Ramifications régionales du conflit
Le conflit dans le nord du Mali dépasse les frontières de ce pays pour une multitude de raisons. Premièrement, la population touareg se trouve disséminée sur cinq Etats aux politiques différentes et aux relations changeantes. La communauté touareg compterait entre 1 à 1,5 million d’âmes éparpillées sur un territoire de quelque 2 million de kilomètres carrés occupés. Le Niger compte 7 à 800 000 Touareg, le Mali en abrite pour sa part près de 600 000, l’Algérie, 50 000 et la Libye 30 000. Aussi toute tension survenant au Mali -ou au Niger- a-t-elle des répercussions immédiates dans le pays voisin. Ce territoire reste extrêmement difficile à contrôler en raison de son immensité, des conditions de vie, de ses frontières passoires, de la facilité de mobilité, etc. De juteux trafics de cigarettes, de drogues, d’armes transitent par cette zone et alimentent l’instabilité. Deuxièmement, les populations se déplacent. A partir de 1972, la sécheresse persistante qui s’installe dans le nord du Mali décime les troupeaux, source principale de subsistance des populations nomades. Appauvries, elles cherchent refuge dans les pays voisins, notamment l’Algérie et la Libye. En Libye, les jeunes sont enrôlés dans la Légion islamique et reçoivent une formation militaire et idéologique. Mais la sécheresse n’est pas l’unique cause de ce regain de violence. Les analystes évoquent, en effet, deux autres raisons : le retour des jeunes exilés formés en Libye, qui avaient appris le métier des armes, et l’expulsion par l’Algérie d’environ 20 000 réfugiés. Certains de ces jeunes formeront les mouvements qui déclenchent les hostilités en juin 1990. Pour des raisons évidentes, les combats font peur aux habitants de la région du Nord. La solution se trouve, parfois, dans la fuite vers les pays voisins. Le Burkina Faso en fait partie. Selon Lassina Fabrice Sanou du quotidien burkinabé le Pays, des civils touareg du Mali cherchent refuge au Burkina Faso. Ils seraient devenus indésirables dans leur pays, parce que des membres de leur communauté ont pris le maquis contre le régime en place. Bon nombre ont opté pour l’exil vers les pays voisins. Entre mai et juin 2008, 900 réfugiés touareg sont ainsi arrivés au Burkina Faso, parmi lesquels 300 personnes –hommes, femmes et enfants– ont été logées dans un stade de la capitale, tandis que les autres sont restés à Djibo, près de la frontière avec le Mali. Selon l’un des réfugiés, Mohamed Alher Ag Abou, il y aurait même parmi eux des Nigériens, mais qui ne se sont pas encore déclarés comme tels. Le Niger connaît une situation analogue à celle du Mali. Les réfugiés ont dû abandonner tous leurs biens, et surtout leurs troupeaux, pour se réfugier au Burkina Faso.
Le terrorisme dans l’équation
Le troisième aspect de la régionalisation du conflit est d’ordre sécuritaire. L’ensemble des experts remarquent que la longue marginalisation du Ténéré des Kel Tamasheq est remise en cause par l’apparition d’enjeux géopolitiques nouveaux, à savoir la présence d’El Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et de l’armée américaine. Les responsables de l’Alliance démocratique du 23 mai 2006 pour le changement ont nié toute participation avec le groupe terroriste du GSPC et ont tenu à dénoncer «ceux qui ont tenté en vain de porter atteinte à leur intégrité morale en prétendant que les combattants touareg collaboraient avec des éléments du GSPC et ceux qui ont essayé d’utiliser la résistance armée touareg pour combattre les salafistes». Une manière, selon le mouvement, de se «débarrasser des uns et des autres». D’ailleurs, des représentants du gouvernement malien et le mouvement touareg de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, ainsi que la médiation algérienne ont tenu en juillet 2009 une réunion à Bamako. C’était la première visite officielle des ex-rebelles touareg dans la capitale malienne. L’Alliance s’est engagée à coopérer avec le gouvernement malien en matière de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Les trois parties ont décidé de mettre en place une série de mesures destinées à renforcer le processus de paix dans le nord du Mali. Parmi les mesures décidées : la création d’unités spéciales de sécurité dans le nord du Mali. Selon Awanekkinnan, les dirigeants de l’Alliance démocratique du 23 mai 2006 envisagent d’internationaliser leur conflit auprès des Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne et divers organismes mondiaux. En se basant sur le droit international, le mouvement de l’Azawad voudrait soumettre un dossier comportant une demande d’appui de la communauté internationale à la revendication d’un «statut particulier» pour les territoires touareg, seul mécanisme, à leurs yeux, à garantir aux populations locales «la préservation de leur identité et d’assurer leur survie et leur développement socio-économique». L’Algérie : priorité aux négociations
En tant que peuple autochtone du Sahara, les Kel Tamacheq comptent également bénéficier de la reconnaissance internationale concernant leur liberté de circulation transfrontalière afin de pouvoir maintenir leurs liens ancestraux avec tous leurs territoires répartis entre plusieurs Etats (Mali, Niger, Libye, Algérie, Mauritanie, Burkina Faso) et leur garantir un «accès équitable aux ressources de leur terre et de leurs territoires». Un premier pas symbolique a été franchi avec le Conseil mondial amazigh (CMA), dont le président, Belkacem Lounes, a effectué une visite en 2008 dans la région touareg au nord du Mali pour rencontrer les dirigeants de l’Alliance démocratique. L’instabilité dans la région du Sahel a toujours constitué une préoccupation majeure pour l’Algérie. Les autorités algériennes ont toujours redouté des connexions entre les mouvements terroristes de l’ex-GSPC et les rebelles touareg. L’autre préoccupation de l’Algérie vient de la Libye. Considérant cette région comme sa zone d’influence, la Libye n’hésite pas à multiplier les initiatives différemment accueillies. L’une de ses initiatives a consisté à dépêcher, en 2008, une délégation de la Ligue populaire et sociale des tribus du Grand Sahara en vue d’une médiation de réconciliation entre les autorités du Mali et du Niger avec les rebellions touareg au nord de ces deux pays. Comme le souligne Youssouf Bâ, cette initiative mobilise des instruments de médiation fondés sur les rapports sociaux, culturels et civilisationnels. Ainsi la mission était-elle composée de chefs de tribus et notables de 15 pays issus de pays arabes et africains. Quoi qu’il en soit, l’Algérie a toujours posé deux conditions : premièrement, que les objectifs des Touareg ne soient pas liés à une revendication autonomiste ou sécessionniste ; deuxièmement, que les deux parties acceptent la médiation. A ce propos, Hassan Fagaga, le chef des Touareg qui avait, publiquement, exigé une large autonomie pour la région de Kidal, avait fait machine arrière et accepté la condition algérienne en 2006. Réunis à Alger, des dirigeants de l’Alliance pour la démocratie et le changement (ADC), réunissant différents groupes d’ex-rebelles touareg, ont appelé Bamako à appliquer strictement l’accord d’Alger, estimant que ses engagements n’ont pas été totalement tenus. Les participants ont demandé à l’Algérie d’intervenir auprès du gouvernement malien, tout en plaçant le gouvernement algérien devant ses responsabilités comme «garant de l’application de l’accord». Le mouvement de résistance note que seuls le désarmement et leur intégration dans l’administration ont été réalisés parmi tous les points exigés dans l’accord. D’autre part, le mouvement affirme que les combattants ont décidé de se retirer en dehors des zones habitées afin d’éviter les risques encourus par les populations civiles. Rappelons que l’accord d’Alger de juillet 2006 a été signé entre le gouvernement du Mali et l’ADC. Il prévoit, notamment, le développement des régions déshéritées du Nord malien, en grande partie désertique. Signé après l’insurrection de 2006, cet accord a fait suite à un dialogue entre les deux parties engagé avec l’appui de l’Algérie. Dès 2007, l’Algérie et le Mali ont mobilisé 1,15 milliard de F CFA (1,75 million d’euros) pour un fonds spécial dans le cadre de l’accord de paix signé, en 2006 à Alger, et prévoyant le développement des trois régions du nord du Mali (Tombouctou, Gao et Kidal). Le Mali a débloqué 650 millions de F CFA et l’Algérie 500 millions de F CFA. Cet accord faisait suite à l’insurrection commencée en mai 2006 après l’attaque des garnisons de Kidal et Ménaka par «l’Alliance démocratique pour le changement du 23 mai» (ADC). Sans prendre l’ampleur des crises précédentes, la médiation algérienne débouche, le 4 juillet 2006, sur les Accords d’Alger. Mais après un cessez-le-feu d’une année, des attaques et des enlèvements ont repris… Un nouvel accord d’arrêt du conflit est en gestation en juillet 2008. Toujours sous l’égide de l’Algérie, les deux parties en conflit avaient signé, en 1992, un «pacte national» prévoyant, notamment, des «mesures économiques et sociales» en faveur des populations touareg un volet de rattrapage de développement et un statut particulier (autonomie) pour la région de l’Azawad (Nord-Mali), le désarmement des combattants touareg et leur «intégration» dans les différents corps de sécurité et de l’administration de l’Etat. Mais, en 1994, la situation se détériore à nouveau et le Mouvement patriotique Ganda Koye (MPGK) voit le jour. Le MPGK réunit essentiellement des populations sédentaires du nord. Des négociations interethniques aboutissent à la signature des «accords de Bourem» en janvier 1995. Les différentes négociations débouchent, en 1996, sur la cérémonie de la «flamme de la Paix de Tombouctou» au cours de laquelle 3 000 armes sont brûlées pour marquer la volonté de tous les Maliens de vivre en paix. Les MFUA et le MPGK annoncent leur dissolution.
Par Louisa Aït Hamadouche
L. A. H sur latribune-online
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mardi 19 janvier 2010
Nouvelles violences contre les populations Kabyles
Les forces de sécurité algériennes ont mené, mardi 12 janvier, une répression contre les habitants de la Kabylie qui s'apprêtaient à célébrer pacifiquement le nouvel an Amazigh.
En Algérie, les fêtes du nouvel an Amazigh 2960 avaient un goût amer. Les villes de Tizi-Ouzou et de Vgayet étaient en effervescence : des dizaines de milliers de Kabyles ont marché ce mardi 12 janvier pour réclamer l'autonomie de leur région. Dispersées à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, plusieurs personnes ont été blessées et d'autres, arrêtées par les forces de l'ordre, dont le sort reste toujours inconnu, selon le « Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie » (MAK), initiateur de la marche.
La violente réplique des autorités algérienne était prévisible. Elle s'inscrit dans le long registre de la répression menée par le pouvoir algérien à l'encontre des populations Kabyles depuis les années 80 en passant par les événements du printemps noir de 2001 qui ont fait des centaines de morts et de disparus. Si la position des autorités n'a pas évolué, celle des militants Kabyles, si. Adoptée officiellement le 14 août 2007 par le Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie (MAK), le projet pour l'Autonomie de la Kabylie (PAK) se présente aujourd'hui comme l'une des alternatives les plus crédibles pour le règlement du dossier Kabyle en Algérie. « Le projet d'une autonomie régionale apparait comme le juste milieu, un compromis pouvant réconcilier les partisans d'une Kabylie devant demeurer comme n'importe quelle autre région d'Algérie, d'une part et de l'autre part, les assoiffés de son indépendance totale » explique Ferhat Mehenni, leader du mouvement autonomiste et président du MAK.
Black-out médiatique
Sur Facebook, Twitter et autres blogs, sympathisants et militants se tiennent informés de l'évolution de la situation, débattent ouvertement de l'option autonomiste et l'avenir de la région. Un récent sondage sur l'autonomie de la Kabylie recrute de dizaines de milliers de votes. Curieusement, en Algérie, mais aussi en Europe, les médias entretiennent un silence coupable sur les événements de mardi. Dans une tribune publiée sur le site d'informations « Vega Media Presse » sur les derniers événements en Kabylie, Chema Gil, directeur du site d'informations Noticias de Murcia et spécialiste des affaires maghrébines, fait remarquer que « L'Algérie terrorise les Berbères de Kabylie, qui font partie de l'authentique identité algérienne ».
C'est que le sujet dérange. Les services algériens DRS font tout pour diaboliser le MAK et son président. Le leader du mouvement autonomiste est régulièrement la cible d'attaques diffamatoires de la presse inféodée au pouvoir. Déjà sous le coup d'un mandat d'arrêt, il est régulièrement mêlé à des fantasmatiques histoires mêlant MOSSAD et autres ingrédients hollywoodiens.
L'attitude du pouvoir en place traduit au fond l'échec de toute la politique étatique menée pour régler le dossier Kabyle et de contenir le mouvement Amazigh et ses revendications : création d'un Haut Commissariat à l'Amazighité, un amendement constitutionnel en 1996. Une Commission (Sbih), chargée de proposer un schéma de régionalisation, a même rendu ses conclusions depuis cinq ans. Sur le terrain, l'engagement de l'État algérien en matière de réhabilitation et de promotion de la culture amazighe est resté au stade du vœu pieu. À l'image de la revendication démocratique du peuple algérien, la question amazighe n'a pas évolué.
C'est que la perspective d'autonomie donne du fil à retordre aux galonnés algériens qui s'opposent farouchement à la proposition du voisin marocain d'octroyer une large autonomie au peuple du Sahara occidental. Devoir s'y conformer pour le cas de la Kabylie et des Touaregs au sud de l'Algérie constitue un vrai péril qui peut saper les fondations même du régime. Inquiet, Ferhat Mehenni met en garde contre la politique du régime algérien, « calquée sur le modèle serbe en ex-Yougoslavie, qui va nous conduire à l'irréparable ».
source: ABP Agence Bretagne presse; http://www.agencebretagnepres
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lundi 18 janvier 2010
Nord Mali : toujours plus de sécheresse, de maladies et moins de droits
Mahmoud Ag Sid Ahmed, ancien rebelle du soulèvement touareg au Nord Mali, raconte le désespoir d’une population livrée à la misère, les maladies, la violence terroriste, la sécheresse et le déni de droit. Témoignage sur une situation chaotique qui risque d’échapper à tout contrôle.
La quarantaine largement dépassée, Mahmoud Ag Sid Ahmed est un ancien combattant de la rébellion touareg au nord du Mali. La misère, le déni de citoyenneté et la frustration ont été pour beaucoup dans sa désertion des rangs de l’armée malienne. Alors qu’il avait le grade d’officier, il est parti rejoindre ses proches retranchés dans le massif de Tigharghar, un bastion de la rébellion touareg situé à l’est de Tessalit. La signature de l’Accord d’Alger en juillet 2006, grâce à la médiation de l’Algérie, lui a redonné espoir de voir sa région sortir de l’isolement et de la déchéance. Comme bon nombre de ses compagnons, il décide alors d’abandonner la lutte armée et de rentrer chez lui à Kidal, en attendant la réinsertion sociale promise par le gouvernement malien. Mais le retour lui a permis de découvrir que rien n’a changé et que rien ne changera dans sa ville. La misère dans laquelle vivaient ses proches s’est accentuée et les engagements de l’Etat n’étaient en fait qu’un mirage.
Présent à Alger pour prendre part aux travaux de la conférence des cadres dirigeants de l’Alliance du 23 mai pour le changement (ADC), l’aile politique de la rébellion touareg, il revient sur le quotidien terriblement difficile de la population du nord de Kidal. Fortement éprouvée par la violence, celle-ci fait face à une rude sécheresse qui vient à bout de son cheptel, des pâturages et des points d’eau, seule source de vie. « C’est devenu une sorte d’habitude chez nous. Les situations de crise ne font que s’accumuler sans qu’aucune ne soit résolue. La situation est alarmante. Cela fait plus d’une année qu’aucune goutte d’eau n’est tombée, alors que la région vit essentiellement de l’élevage. D’ailleurs, les éleveurs ne trouvent ni pâturage ni points d’eau pour faire vivre leur cheptel. Beaucoup assistent, impuissants, à l’agonie de leurs bêtes. Parallèlement à cette catastrophe naturelle, aucune activité économique n’a été entreprise dans la région, alors que les maladies et mêmes les épidémies emportent régulièrement les femmes, les enfants et les personnes âgées faute d’une prise en charge sanitaire et d’infrastructures de santé. L’Etat est totalement absent de cette région. Il ne fait ni de la prévention sanitaire ni de l’intervention d’urgence. Les Touareg vivent un quotidien chaotique qui ne fait que s’aggraver chaque jour… », révèle l’ancien rebelle. Le cœur plein de colère, il parle longuement des détails du vécu de ses concitoyens livrés, dit-il, « à l’isolement et à l’abandon ». J’ai interpellé le gouverneur de Kidal sur cette situation à plusieurs reprises, mais à chaque fois sa réponse est : « Je ne peux rien faire. Il y a un problème de sécurité dans cette région. » « J’ai proposé de constituer des groupes de sécurité pour escorter les équipes médicales, suivre le cheptel, garder les points d’eau, mais il a refusé l’offre, sous prétexte que cela relève de l’armée. Ils nous ont pris nos armes et nous obligent à voir nos familles et nos bêtes mourir sous nos yeux », souligne Mahmoud. Il s’arrête un moment et continue son récit. « Vous savez, être muté à Kidal pour les militaires est considéré comme une punition. Alors ceux qui sont en poste dans cette région sont totalement coupés de l’environnement et les rares Touareg, qui sont dans les rangs, sont mutés à des centaines de kilomètres plus loin. J’ai à ma charge vingt familles que je dois nourrir et sécuriser. J’aurais pu être plus rentable dans ma région, mais ils m’ont déplacé ailleurs, là où je ne peux être utile. Tout comme ceux qui ont été envoyés au Nord. Ils ne connaissent rien de la région et de plus, ils sont isolés par la population du fait du manque de confiance qu’ils suscitent chez celle-ci », note-t-il.
Mahmoud sirote son thé, prend le temps de répondre au téléphone, puis revient à son vécu, qu’il raconte d’une voix nouée. « Beaucoup parmi les Touareg ont quitté les rangs de l’armée non pas par éloignement, mais parce qu’il y avait aussi une grave discrimination ethnique. Ils étaient sous-payés et mal traités par rapport à leurs collègues non touaregs », dénonce-t-il. Selon lui, ses camarades ont pris la décision de déposer les armes parce qu’ils ont cru qu’en contrepartie de leur acte, la région allait connaître un changement économique. « Ils étaient 600 en 2006 et 700 en 2009, à y avoir vraiment cru. Mais dès que les armes se sont tues, la désillusion a été totale. Aucune des mesures prévues dans le cadre de ce dépôt des armes n’a été concrétisée. Nous nous sommes retrouvés au point départ, avec plus de misère, plus de morts, plus de malades et un avenir encore plus incertain pour un plus large pan de la population. Les ONG humanitaires et les partenaires qui allégeaient quelque peu la souffrance de nos concitoyens ont tous quitté la région et le gouvernement nous tourne le dos, sous le prétexte fallacieux de l’absence de sécurité. Il laisse les terroristes agir en toute liberté et nous empêche de nous organiser pour les chasser. De juillet 2006 à ce jour, l’attente et tout ce qu’elle a entraîné comme souffrance n’a que trop duré. Nous sommes arrivés à une situation sans issue. Il fallait faire le pas et interpeller le pays médiateur qui nous a fait croire que l’espoir d’un changement était permis. Nous avons laissé beaucoup de temps de réflexion au gouvernement, en vain. Nous avons pensé qu’étant donné qu’entre l’Etat et l’Alliance, il n’y a plus de dialogue, il faut alors une troisième partie, l’Algérie, pour faire ensemble le bilan et amener tout le monde à la table des négociations et arriver enfin à concrétiser la paix durable sur le terrain. » Mahmoud semble très inquiet quant à l’avenir de sa région. Pour lui, si ces tentatives de reprise du dialogue n’aboutissent pas et que la situation désastreuse persiste, la région va basculer vers l’inconnue et échapper à tout contrôle. Selon lui, pour éviter un tel scénario, il faut juste faire appel à ces quelques volontés qui tiennent à l’Accord d’Alger et qui se trouvent au sein de l’Etat malien pour aller au-devant et créer les conditions de mise en application des mesures prévues pour une paix durable.
« Toute la population touareg a nourri beaucoup d’espoir sur cet accord. Elle a trop enduré et veut vivre comme les Maliens du Sud. Elle veut juste son droit à une vie décente, une dignité et une citoyenneté à part entière. L’Accord d’Alger n’appartient à personne. Il a été signé pour répondre aux besoins de la population touareg, mais ces besoins tardent vraiment à voir le jour. Nous avons peur que les milliers de jeunes désabusés et vulnérables se détruisent par des activités criminelles ou détruisent leur région en rejoignant les rangs des terroristes. En fait, c’est l’objectif que veut atteindre Bamako, pour pointer du doigt la population et la montrer aux yeux du monde comme une alliée des terroristes ou des trafiquants en tout genre », déclare Mahmoud. Le regret de voir sa région natale au rang des pays les plus pauvres en dépit de ses grandes richesses naturelles le ronge souvent. « Peut être que ce sont ces richesses qui constituent en réalité notre malheur, pour les convoitises qu’elles aiguisent. » La conférence d’Alger représente pour lui une lueur d’espoir, pour peu, ajoute-t-il, « que l’Algérie pèse de son poids pour ramener le Mali à ses engagements. Il y va de la stabilité du nord de Kidal, mais également de tous les pays de la région, dont l’Algérie. »
Par Salima Tlemçani
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 23:02 0 commentaires