Mesdames, messieurs les membres du gouvernement
Les évènements récents, combien prévisibles, vous ont menés à la tête de l’Etat du Niger, après une fin de règne entêtante du sortant ; pour notre part, nous ne retiendrons finalement de ce mandat que les gestes de son épilogue dans le nord du pays : décret de mise en garde et carte blanche à l’armée, emprisonnements arbitraires, exactions et exécutions de populations civiles et d’animaux, brûlage de campements nomades.
« L’Etat est sauvé, pas [encore] le peuple », pour reprendre le titre d’un journal international commentant la crise administrative, économique et sociale en Grèce.
Les Nations unies (dont le Niger, le Mali, le Burkina Faso, l’Algérie, la Libye sont membres), avec le concours des organisations des peuples autochtones du monde et après plus de trente années de débats, ont voté le 13 septembre 2007, la déclaration des droits des peuples autochtones, pendant que les conflits dans le nord Niger et Mali s’accentuaient.
L’Union africaine à travers sa commission des droits de l’homme a largement promu cette déclaration.
Dans son discours d’investiture, le président Obama disait « [qu’] il ne saurait y avoir de démocratie sans que soit affirmé le droit pour chaque individu de ne jamais avoir à renoncer à aucune partie de son identité ». Monsieur Obama est le symbole vivant de ce droit, cette certitude s’accompagne bien sûr du projet humain universel selon lequel les hommes naissent libres et égaux.
Monsieur le Président, mesdames, messieurs les membres du gouvernement,
La tâche et les responsabilités qui sont devant vous sont importantes. C'est une tâche de paix et de réconciliation. Ce sont des responsabilités politiques et démocratiques. Vous devez composer dans un délai très court. La règle désormais voudrait que cela se réalise sous un mode participatif, comme ces travaux pratiques effectués en équipe.
C'est pourquoi, en ces temps de commémorations d’indépendances, je souhaite attirer votre attention sur une injustice qui dure depuis le début de la colonisation. Je veux parler de l’injustice faite aux Touaregs privés de leurs droits politiques, territoriaux, sociaux, avec la déstructuration de leur société, la colonisation et l’occupation de leurs terres, la stigmatisation - héritée de la colonisation - de leur identité et de leur mode de vie nomade.
Permettez-moi, de vous remémorer rapidement les faits suivants : 1896 : pénétration coloniale en pays touareg / 1906 : capitulation des pôles politiques touareg / 1916 : insurrection générale dans l’Aïr, organisation de la résistance, occupation et surveillance des villes, affaiblissement de la population, confiscation des troupeaux, impôts et travail obligatoire, contrôle des mouvements / 1960 : division des touaregs entre 5 Etats / 1963 : insurrection et sanglantes représailles au Mali / 1990 : insurrection et sanglantes représailles au Mali et au Niger / 2006 et 2007 : insurrection et sanglantes représailles au Mali et au Niger.
La tâche de reconstruction est nécessairement immense ; mais une bonne partie de celle-ci est en réalité déjà étoffée par les Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine où des experts et vos représentants travaillent sur des rapports et des orientations globales. La déclaration des droits des peuples autochtones, au même titre que celle des droits de l’homme de 1948, doit être prise en compte. Certains Etats d’Amérique Latine, qui en ont fini avec les principes de guérillas, l’ont intégrée.
Le Niger doit aussi tirer un trait avec les conflits armés du nord pour amorcer son développement. Mais, pour cela, il doit non seulement réviser les textes fondamentaux, mais aussi changer de méthode. Car où sont passés les moyens financiers, quelles sont les réalisations durables?
Mesdames, Messieurs,
Une bonne partie du Niger, du Mali, le nord du Burkina Faso, les suds de l’Algérie et de la Libye, sont des zones de transition humaine et géographique entre le nord et le sud, une zone d’échange, un melting pot, un biome aux caractéristiques singulières. Ce territoire est identifié, connu, attribué, lié à une série de droits et de devoirs selon les règles territoriales touarègues qui ont permis de gérer et de rendre ces terres viables.
Mais la colonisation puis la période postcoloniale ont ignoré ou cherché à détruire ces droits pour fabriquer un peuple nomade fantasmé sans sol, ni ancrage. Cela n’existe pas.
Il faut rendre aux Touaregs leurs droits élémentaires sur leur territoire pour qu’ils puissent subsister comme les autres communautés au Niger et ailleurs.
Des organisations de la société civile requièrent l’intégration dans les textes fondamentaux de la république la déclaration des droits des peuples autochtones votée aux Nations unies le 13 septembre 2007.
Très respectueusement vôtre.
Le 10 mai 2010
Thomas FORTUNE
Président de l’internationale touarègue
Bordeaux, France
L’internationale touarègue est une organisation créée en 2008 dans le but de promouvoir la déclaration des peuples autochtones et que celle-ci serve de plateforme équilibrée d’accords pour ne plus générer de conflits dans le nord Niger et Mali. Son action porte surtout sur le plaidoyer et de plus en plus sur des projets de développement orientés et spécialisés « mode de vie nomade
Les frontières politiques actuelles, héritées de la colonisation, ont artificiellement découpé le territoire touareg en plusieurs parties intégrées à cinq pays différents : l’Algérie, le Niger, le Mali, la Libye et le Burkina Faso. Le pays touareg se définit par une communauté culturelle qui noue ses liens identitaires autour d’une langue, et sur la base d’une organisation familiale, sociale et politique.
mercredi 12 mai 2010
Lettre ouverte au Président et au gouvernement provisoire de la République du Niger
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 20:46
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