Rencontre avec Jean-Pierre Duclos Aprico, spécialiste des Berbères nomades
Touaregs: Chronique d'une mort annoncée
par Sabine Torres | dijOnscOpe | jeu 15 avr 10 | 08:40 Un Touareg parcourant le désert... Mano Dayak, leader de la résistance touareg dans les années 1990. Le désert au Niger... Réunion de Touaregs autour de Mano Dayak. Femme touareg. Combattants touaregs. Les Montagnes Bleues... Un puits dans le désert... Touaregs sédentaires au Niger. Réfugiés... Carte du Niger. Emplacements des tribus touaregs Carte des gisements d'uranium. Les parcours de Jean-Pierre Duclos-Aprico parmi les Touaregs. Couverture du dernier livre de Jean-Pierre Duclos-Aprico, "Touaregs, massacre à l'uranium". Jean-Pierre Duclos-Aprico.Partager sur :
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On les surnomme parfois les "hommes bleus", du fait de la couleur de leur chèche teinte avec de l'indigo, qui décolore sur leur peau. Mais que sait-on véritablement des Touaregs, ce peuple de Berbères nomades vivant notamment au Niger? Pétris d'honneur et de fierté malgré l'illettrisme et la pauvreté, les Touaregs vivent dans un ostracisme quotidien, condamnés à s'adapter ou à mourir. Et ce n'est pas le coup d'État perpétré par les militaires au Niger le 18 février 2010 (*1) qui devrait y changer grand chose selon Jean-Pierre Duclos Aprico, ancien conseiller du Ministre du commerce et de l'industrie...
Au Niger, une situation encore incertaine
Comme l'indique le journal nigérien Le Pays dans son édition numérique du mercredi 7 avril 2010 (voir lien ci-dessous), "la restauration de la démocratie est véritablement en marche au Niger. Comme promis, la junte a installé mercredi à Niamey le tout nouveau Conseil consultatif national". Et de poser la question fondamentale : "Mais, vu la faiblesse des hommes, quelle garantie que les vieux démons ne vont pas resurgir ?". Spécialiste de la question touareg, le côte-d'orien Jean-Pierre Duclos Aprico (*2) veut se montrer optimisme : "Les Touaregs saluent le coup d'État, espérant un changement de régime tout en sachant que leur sort est encore totalement indéterminé."
De fait, ces derniers n'ont jamais pardonné au président nigérien Mamadou Tandja d'avoir perpétré les premiers massacres contre les Touaregs dans les années 1990 : "Les Touaregs ont peut-être une chance aujourd'hui de se faire entendre autrement que pas les armes. Je pense qu'ils sont même prêts à pardonner aux militaires qui auraient participé au massacre et font désormais partie de la junte au pouvoir."
La tentation terroriste
Voilà en effet quinze ans que les Touaregs ont officiellement déposé leurs armes mais ne nous y trompons pas : "Ils sont prêts à y revenir si besoin car ils n'ont rien obtenu depuis !". Sans travail, sans éducation, la plupart des Touaregs vivent dans une situation de pauvreté extrême, au point que les sollicitations de groupes terroristes tel Al Qaïda trouvent échos parmi les jeunes hommes. "Aujourd'hui, Al Qaïda règne en maître au Niger, prévient Jean-Pierre Duclos Aprico. Le nord du Mali, le sud de l'Algérie, les bordures du Niger : aucune zone n'échappe à leur contrôle sur les trafics de drogue ou les enlèvements". Les anciens Touaregs sont également utiles pour les terroristes, qui profitent de leur expérience d'anciens combattants pour les envoyer patrouiller dans le désert.
Ces propos sont entérinés par le Dijonnais Régis Belleville, explorateur scientifique et spécialiste de la survie en milieu saharien : "Voilà plusieus années que je parcours le Sahara et vais à la rencontre des Touaregs. Force est de constater que depuis la mise en place des frontières qui les oblige à être sédentaires, ils vivent totalement en marge des sociétés civiles." L'orgueil légendaire de l'homme bleu semble bien relever désormais de l'imaginaire du touriste en mal d'exotisme. "Même si les Touaregs se comportent toujours comme des seigneurs pétris d'honneur, certains sont prêts à tout pour survivre, y compris à pactiser avec les trafiquants de drogue colombiens, qui les utilisent pour faire attérir des avions en plein désert." Si le gouvernement nigérien ne fait rien pour faciliter l'intégration des Touaregs, il semblerait que cette lente et inexorable marginalisation conduise tout simplement à leur disparition.
Un "massacre à l'uranium"
Problème majeur des Touaregs : la présence massive d'uranium dans le sol nigérien (voir la carte ci-jointe), qui fait du pays le troisième producteur mondial. Chine, France, États-Unis... Tous semblent donc avoir des intérêts évidents au Niger, sauf que les Touaregs n'en perçoivent jamais les retombées économiques. Selon Jean-Pierre Duclos Aprico, la France aurait soutenu le régime népotique de Tandja pour des raisons mercantiles évidentes. D'où le titre provocateur de son ouvrage : "Massacre à l'uranium". "Les Touaregs sont un peuple en souffrance, colonisé pour les ressources minières de leurs terres. Je n'ai pas peur de dire que le président Sarkozy a officiellement délivré un brevet de démocratie à Tandja (*3). Nous contribuons donc à maintenir ces régimes corrompus et je suis persuadé que la France a même vendu des armes au gouvernement nigérien pour massacrer les Touaregs..."
Sans aller aussi loin, Jean-Paul Benetière, conseiller financier du président de la République du Niger en 1988, collègue et ami de Jean-Pierre Duclos Aprico, reconnaît l'implication ou du moins, le silence tacite du gouvernement français dans cette affaire. Même constat de la part de Bernard Guibourt, alors patron de la Société Anonyme des Travaux d'Outre-Mer au Niger (SATOM). Tous trois mandatés par le gouvernement français, ils ont pu constater sur place l'influence de ces questions énergétiques sur les relations franco-nigériennes. "Colonisateurs, coopérants, nous autres Français sommes responsables de la marginalisation et de la destruction progressive de ce peuple", affirme Jean-Pierre Duclos Aprico. Et l'avenir ne présage rien de bon puisque les 4.000 tonnes d'uranium extrait pourraient passer à 8.000 tonnes d'ici 2013... "Alors que les Touaregs représentent près de 10% de la population nigérienne avec un million d'individus, ils ne bénéficient d'aucun avantage économique, social ou culturel."
La revanche des anciens esclaves sur leurs maîtres touaregs
Au-delà de ces considérations d'ordre économique, la réalité du racisme anti-touareg est une évidence au Niger : "Il s'agit bien d'une revanche du Noir sur le Blanc et les massacres perpétrés par l'armée dans les années 90 sont bel et bien une épuration ethnique. J'ai rencontré des Touaregs qui m'ont raconté qu'on faisait descendre les noirs des bus avant de massacrer les Touaregs...". Rappelons qu'au XIXe siècle, les Touaregs régnaient en maîtres sur le désert ; de rois, ils sont devenus quasi serviteurs puisque dans une ironique inversion sociologique, les anciens esclaves noirs ont pris le pouvoir sur les Touaregs alors blancs. "Aujourd'hui, la couleur de la peau n'a plus de signification ; d'ailleurs, si l'on étudie tout cela de près, on se rend compte que le sultan d'Agadez, celui qui rassemble l'ensemble des tribus de l'Ayr, a toujours été noir par tradition..."
Derrière le folklore touristique attribué aux Touaregs, se joue véritablement un combat pour survivre au quotidien. Jean-Pierre Duclos Aprico et ses collègues français se sont retrouvés dans le désert, certains ont partagé la vie des rebelles Touaregs dans les années 90, ont connu le chef rebelle Mano Dayak, leader de la résistance jusqu'à sa mort en 1995. Or peu de figures charismatiques s'élèvent aujourd'hui pour défendre la cause touareg. Tous les combattants dont déposé leurs armes sans trouver l'équilibre politique permettant de maintenir l'unité entre les différents groupes touaregs. Leurs revendications aujourd'hui? Participer au moins aux retombées financières de la vente d'uranium extrait de leurs sols.
(*1) En août 2009, à cinq mois de la fin de son mandat, le président du Niger, Mamadou Tandja, organisait un référendum permettant de faire passer de deux à trois mandats présidentiels la limite permise par la constitution et de rallonger son propre mandat de trois ans... La Cour constitutionnelle ayant émis un avis défavorable, ce dernier prenait la décision de dissoudre le parlement. Le 18 février 2010, les militaires nigériens menaient un coup d'État au palais présidentiel, en plein conseil des ministres, où ils faisaient prisonniers le président ainsi que quelques uns de ses ministres (ces derniers ont été relâchés depuis, mis à part Mamadou Tandja).
Créant un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, la junte a nommé un nouveau chef de l'État, Salou Djibo (chef d'escadron), en attendant l'organisation de nouvelles élections. A ce jour, aucune date n'a été fixée mais les militaires ont assuré qu’aucun membre du Conseil suprême ou du gouvernement de transition ne seraient candidat à ces élections. Depuis, des opposants à l'ex-président exilés à l'étranger depuis plusieurs mois ont pu rentrer au pays : Hama Amadou, l'ancien Premier ministre, et Mahamane Ousmane, l'ex-président du Parlement.
(*2) De 1988 à 1992, Jean-Pierre Duclos Aprico a vécu à Niamey au Niger, où il était conseiller du Ministre du Commerce et de l'Industrie, mandaté par le ministère de la Coopération française. Dès son arrivée, il partage une amitié profonde avec Mano Dayak, leader de la résistance touareg des années 1990 dans l’Ayr, décédé dans un accident d'avion en 1995, quelques semaines avant la mise en place d'un accord de paix entre les Touaregs et le gouvernement nigérien. Dans son ouvrage "Massacre à l'uranium", publiée aux Éditions Dualpha en 2009, il évoque sa passion pour le monde Touareg et revient sur l'histoire et les révoltes de ces hommes, qui "luttent pour leur survie et la sauvegarde de leur identité."
(*3) Lors d'une visite au Niger le 27 mars 2009 (voir vidéo ci-dessous), Nicolas Sarkozy a déclaré : "Je voudrais dire deux ou trois choses. La première, c’est que depuis moins de cinquante ans que le Niger est indépendant, y a eu cinq Républiques, plusieurs coups d’Etat, un Président assassiné. Je ne le dis pas pour les journalistes du Niger, je le dis pour les journalistes français qui ne sont pas tous avertis sur cette question. En quarante-neuf ans, la seule période de démocratie et de stabilité, c’est celle des deux mandats du Président Mamadou Tandja." (source : Canard Enchaîné -avril 2009).
lundi 19 avril 2010
Touaregs: Chronique d'une mort annoncée
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 18:47 0 commentaires
en bref:Iles Canaries : des manifestent pour l’indépendance et pour retrouver leur identité Amazighe perdue
Des dizaines de centaines ont manifesté a l’archipelle pour l’indépendance, les deux drapeaux canariens et amazighe sont cote à cote, l’écriture Tifinagh au cœur des banderoles …. La conscience amazighe renait partout en Afrique du Nord, bientôt la règne Tihya/Dihya va cesser de tourner dans sa tombe
Publié par mouvement de la jeunesse touaregue pour la justice et le developpement à 18:32 0 commentaires
Printemps amazigh an 30, la question berbère en Algérie, âpres luttes, acquis réversibles
Le peuple amazigh, communément appelé berbère, est le premier connu sur toute l’étendue de l’Afrique du Nord et du Sahel. Son territoire s’étend de la mer Méditerranée au nord au Burkina Faso au sud et de la Mauritanie à l’ouest à l’oasis de Siwa (sous administration égyptienne) à l’est. Il faut ajouter à ce vaste espace les îles Canaries, actuellement espagnoles.
La position géostratégique de cette partie du monde a entraîné la convoitise des différentes puissances à travers les siècles. Tamazgha (Berbèrie) a eu à subir de nombreuses conquêtes dont la première, phénicienne, remonte à 1110 avant J.-C. Quatre siècles durant, les Romains ont mené une politique de colonisation avant d’être remplacés, pendant un siècle, par les Vandales puis par les Byzantins durant un autre siècle. L’affaiblissement de ce dernier empire a profité aux Arabes qui, après 70 années d’âpres luttes, se sont imposés par l’Islam. Cette contrée n’a pas non plus échappé à la voracité des Ottomans qui n’ont pas eu beaucoup de peine à s’y installer après avoir été sollicités pour une aide contre les incursions européennes. Le 5 juillet 1830, la puissance française débarque près de la capitale et mène une politique coloniale des plus injustes pendant 130 longues années. Près de huit années de guerre ont été nécessaires pour aboutir, en 1962, à l’indépendance. L’amazighophonie dans le monde
Aujourd’hui, on estime que le tamazight est parlé par 20% à 30% des Algériens, et 40 à 50 % des Marocains. Le nombre des Touaregs est estimé à 1 000 000 et il faut compter avec les 50 000 Tunisiens amazighophones ainsi que les populations de Libye dont nous n’avons aucune estimation. Il s’agit bien entendu de chiffres approximatifs vus, probablement, à la baisse. Il n’y a eu, en effet, aucun recensement linguistique(1) dans les pays d’Afrique du nord qui continuent de nier, malgré quelques petites avancées, le fait amazigh. Il faut aussi souligner que toutes les zones amazighophones sont aujourd’hui situées dans les montagnes ou le sud, qui correspondent aux zones de retraite après les diverses batailles livrées contre les occupants successifs. Vivant sur des territoires pauvres, les Imazighen (Berbères) ont été contraints d’émigrer, ce qui explique la très forte diaspora à travers le monde (principalement en Europe). C’est ainsi qu’actuellement en France, Le berbère est l’une des langues les plus répandues après le français. L’amazighophonie en Algérie
L’amazighophonie occupe aujourd’hui un espace discontinu en Algérie. La langue arabe a, par phénomène de substitution, occupé des territoires de plus en plus grands. Déjà au début du XIe siècle, les Banu Hillal (Arabes chassés de Haute Egypte) ont subrepticement imposé l’arabe comme langue savante. Les Almohades (royaume amazigh) les avaient, en effet, utilisés comme scribes, une fonction très valorisante à l’époque. Langue du Coran, la langue arabe a toujours bénéficié du caractère sacré, un statut qui lui a permis de gagner du terrain sur la langue amazigh, profane et sous-valorisée. C’est ainsi que des régions encore totalement amazighophones au début du XXe siècle, à l’exemple de la Kabylie des Babors, sont actuellement complètement arabisées.
L’arabe, présenté comme l’alter-ego du français par le Mouvement national algérien et comme langue unifiante du monde arabe, a été indécemment instrumentalisé politiquement. Seule langue apte à procurer un statut social, elle a fini par mettre en péril la langue première de l’Afrique du Nord, le tamazigh. Malgré tout, on retrouve encore des pôles importants d’amazighophonie : la Kabylie, les Aurès, le M’zab et le pays touareg. D’autres territoires beaucoup plus petits tels que le Chenoua (région de Tipaza, à l’est d’Alger) ou les Zenata dans la région d’Adrar continuent de survivre dans un environnement franchement hostile. Cette population berbérophone est très approximativement estimée à six à huit millions d’individus. Quelques particularismes des régions amazighophones algériennes
Chaque région amazighophone a eu son propre parcours. La Kabylie, géographiquement proche de la capitale, a bénéficié, très tôt, des apports de l’école française. Région montagneuse et pauvre, elle a été et est encore, dans une moindre mesure, un réservoir d’émigration vers l’Europe et notamment la France. Pour ces raisons, la francophonie est fortement implantée et les valeurs dites universelles ont une réalité sociale. Frondeuse et fortement revendicatrice, la Kabylie a été — et demeure — un foyer de contestation politique.
Le pays aurésien est également une région montagneuse et pauvre. Menant une vie pastorale, les Chaouis (Aurésiens) ont peu émigré et ont été injustement très souvent raillés avec pour conséquence une forte insécurité linguistique. Le mouvement islahiste (mouvement islamique des années trente) y a eu un très fort impact, expliquant une tendance à l’arabisation et à la pratique religieuse. La jeunesse a, depuis les années quatre-vingt, pris conscience du fait amazigh et a créé son propre mouvement, le Mouvement culturel amazigh (MCA). Le pays chaoui rejoint ainsi la Kabylie dans la revendication identitaire.
Le M’zab est caractérisé par une particularité religieuse, l’ibadisme, un courant religieux fondamentaliste musulman, officiel dans le seul sultanat d’Oman et partout ailleurs fortement minoritaire. Cette spécificité a longtemps été à l’origine d’un repli sur eux-mêmes, d’autant qu’ils subissaient et continuent de subir une absolue intolérance de la part des autres musulmans (de nombreux événements sanglants ont lieu épisodiquement). Commerçants discrets et pacifiques, les Mozabites se sont très peu impliqués dans la vie politique. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que la jeunesse mozabite a commencé, timidement, à s’intéresser à la question amazigh.
Le pays touareg est, lui, très loin des centres de décision politique (2000 km d’Alger). Nomades, les « hommes bleus » ont pour la plupart peu fréquenté l’école et ont, conséquemment, gardé toutes leurs traditions. Leur dialecte, pour avoir peu emprunté aux autres langues, est perçu comme un réservoir linguistique pour la construction d’une langue amazigh normativisée. Une petite élite a rejoint depuis quelque temps le mouvement revendicatif berbériste du nord algérien. Les petits îlots amazighophones (Chenoua et ksour) n’ont pas de spécificité particulière, sinon qu’elles, aussi, sont impliquées, aujourd’hui dans ce même mouvement de contestation culturaliste même s’il reste encore discret. Le fait amazigh et la politique d’arabisation en Algérie
Les vicissitudes de l’histoire ont fait qu’aujourd’hui, l’amazigh est réduite au rang de langue dominée. Etat centralisateur de type jacobin, l’Algérie appréhende le tamazight comme facteur pouvant porter atteinte à l’unité nationale. Tout droit à la différence, toute diversité linguistique sont perçus comme éléments pouvant déstabiliser les institutions établies. La langue amazigh sera considérée comme dialecte local, avec toute la connotation négative que cela suppose, et l’arabe littéraire aura statut de langue nationale et officielle avec tous les honneurs que cela implique, c’est-à-dire l’octroi de tous les moyens matériels et humains nécessaires à son épanouissement et à sa diffusion.
Le tamazight sera, dès lors, confiné à l’usage domestique et perçu comme instrument de communication de l’inculte, développant ainsi chez les berbérophones une « insécurité linguistique » profonde. Nombre de berbérophones parleront, dès lors, l’arabe ou le français en présence d’un étranger. Hégémonique, voire impérialiste, la langue arabe devient valorisante du fait qu’elle procure un statut social par le biais d’une carrière professionnelle ou politique. Le tamazight, non reconnu institutionnellement, sera voué à la disparition car jugé inefficace au plan économique. L’arabe va devenir la « langue ambassadrice » tandis que le tamazight sera destiné à la consommation locale.
Cette hégémonie de l’arabe est en fait liée à son imposition par l’Etat qui en a fait un instrument de pouvoir. Une politique de généralisation de la langue arabe a, pour cela, été instituée et des campagnes d’arabisation ont été mises en place durant de nombreuses années. Tous les travailleurs qui ne participaient pas au cours obligatoires dans les administrations et usines étaient sanctionnés. Tout travailleur qui ne pouvait justifier d’un niveau de maîtrise de la langue arabe ne pouvait prétendre à un avancement professionnel. C’est dire tout l’acharnement pour imposer la langue arabe littéraire au détriment des langues du peuple (tamazight et arabe algérien) et de la langue du travail, le français.
Malgré tout, la langue amazigh n’a rien perdu de sa vitalité. Au contraire, toute tentative de l’Etat pour « désamazighiser » l’Algérie s’est soldée par un raffermissement de la lutte pour imposer le fait amazigh. Le mouvement de revendication et le printemps amazigh
La première prise de conscience identitaire et linguistique remonte au début du siècle avec les écrivains autochtones de langue française. Ces derniers ont osé par leurs écrits (apologie de la civilisation et de la langue berbère) entrer en subversion face à la France « civilisatrice ». Le mouvement nationaliste, dans toutes ses composantes, n’a lui-même pas laissé le moindre espace à ces langue et identité millénaires. Dès les années vingt, les milieux nationalistes opposent, par mimétisme, la nation algérienne à la nation française, la langue arabe à la langue française et l’Islam au Christianisme. Le sort de l’amazighité (berbèrité) est dès lors scellé. Il n’y a plus de place à l’identité, culture et langue amazighes. On n’hésite d’ailleurs pas à éliminer tous les militants qui refusent de se couler dans le moule arabo-islamique.
Pourtant, dès les années quarante, le discours revendicatif en matière de droit linguistique et identitaire devient explicite (crise dite berbèriste de 1949 : pour la première fois, des militants du mouvement national ont revendiqué la dimension amazighe du peuple algérien). La contestation (politique et culturelle) mise au placard durant la guerre de libération reprendra dès les première années de l’indépendance, d’autant que le clan favorable à l’Orient avait pris les rênes du pays par la force (l’armée des frontières algéro-marocaines s’était ménagée et préparée pour ce faire).
D’abord culturelle, avec les cours tolérés de tamazight dispensés par Mouloud Mammeri (écrivain et professeur d’université d’origine kabyle, considéré comme le père spirituel du mouvement culturel berbère), la revendication s’est rapidement politisée. Il y a eu bien entendu l’apport indéniable de l’Académie Berbère malgré ses quelques excès. En 1975, il y a eu l’affaire dite des « poseurs de bombes ». Un groupe de jeunes kabyles, dont des universitaires, avaient, en effet, déposé de nuit dans des lieux symboliques (imprimerie d’Etat) des explosifs de faible puissance. Arrêtés, ils sont condamnés à de lourdes peines (perpétuité). 1978 aura été le redémarrage de l’activité politique clandestine. De jeunes cadres ont décidé de redonner vie à un parti (Front des Forces Socialistes) qui avait pris les armes en 1963, en Kabylie, contre un pouvoir autocratique. Ce sont précisément ces mêmes militants qui encadreront les événements de Tizi- Ouzou (Kabylie) de 1980, dits Printemps amazigh.
Mouloud Mammeri, invité par la communauté universitaire de Tizi-Ouzou pour une conférence sur la poésie kabyle ancienne s’est vu interdit de parole par les autorités politiques locales. Il n’en fallait pas plus pour que s’organisent des manifestations de rue qui ont pris rapidement des allures d’insurrection. Les étudiants et travailleurs de l’université, de l’hôpital et des unités économiques se sont mis hors-la-loi et ont décidé de placer leurs structures respectives en autogestion. Durant deux semaines, l’Etat s’était totalement effacé avant d’intervenir brutalement avec la prise d’assaut de l’université et de l’hôpital, les deux foyers où s’organisait la lutte.
Cette intervention musclée (Opération Mizrana) s’est soldée par des centaines de blessés et de nombreuses arrestations. Vingt-quatre responsables (médecins, professeurs d’université, étudiants et autres travailleurs) ont été déférés devant la Cour de sûreté de l’Etat avec comme chef d’accusation « organisation clandestine visant au renversement du gouvernement, intelligence avec l’étranger » passible de la peine capitale. Loin de pacifier la Kabylie, cette répression a entraîné un mouvement pré-sécessionniste. Les gouvernants ont été, dès lors, amenés à libérer les détenus avec pour effet immédiat une baisse de tension.
La contestation va pourtant se massifier et la prise de conscience s’amplifier. Les populations amazighophones (principalement kabyles) entrent dans un cycle alternant acquis et répression. Ainsi, petit à petit, le peuple autochtone mordille dans l’édifice arabo-islamique et réussit, grâce à sa ténacité, à maintenir des pressions sur un pouvoir qui n’a pas d’autre choix que de céder, par moment, face à cette détermination pacifique.
Le Mouvement Culturel Berbère est né avec ses principales revendications qui se résument en
1- démocratie et liberté d’expression ;
2- enseignement des langues populaires : tamazight et arabe dialectal. Dans un deuxième temps, ce mouvement exigera le statut de langue nationale et officielle de la langue amazighe. L’ouverture du pays, avec l’instauration du multipartisme (1989), a donné beaucoup d’espoirs trop vite déçus. Le MCB organise, alors, une marche pacifique qui a drainé plus d’un million de personnes à Alger en 1990. Résultat, deux départements d’enseignement de langue amazighe sont ouverts en Kabylie. Ces deux structures universitaires ont eu le mérite de former les premiers magisters de langue amazighe. Puis, de nouveau, silence. Cette organisation va appeler en 1994 à la « grève du cartable » pour exiger l’enseignement du tamazight.
Cette année va se solder par une année blanche pour tous les écoliers, lycéens et universitaires kabyles. Le pouvoir cède une fois de plus. Cette grève de cours aura permis l’introduction, certes timide, de l’enseignement du tamazight dans les structures éducatives de l’Etat. Il fut également mis en place un Haut commissariat à l’amazighité (HCA), institution rattachée la présidence de la République, chargée théoriquement de promouvoir, diffuser et démarrer l’enseignement de la langue berbère. En fait, une institution d’« intégration/récupération », qui n’agira que timidement, les moyens réels n’ayant jamais été mis à la disposition de ses responsables. Huit années après, son impact reste très limité. Les moyens humains, matériels et financiers qui lui sont octroyés ne permettent guère que l’organisation de quelques colloques scientifiques ou rencontres culturelles.
C’est également le cas du Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de Tamazight (CNPLET), un centre de recherche chargé, entre autres, d’aménager la langue amazighe. Une structure, de fait, mort-née puisque sa mission était déjà caduque à sa création. Rattaché au ministère de l’Education nationale et non au ministère de l’enseignement supérieur, le CNPLET, la recherche, qui est sa principale activité, lui est interdite.
Et puis, ces promesses électorales du président de la République concernant la création d’un Conseil Supérieur à l’Amazighité et d’une Académie Amazighe. Promesses réitérées par le président de la République durant deux campagnes présidentielles consécutives mais jamais tenues.
Le statut de l’enseignement du tamazight a toutefois évolué. Les départements sont devenus instituts à part entière et les premières « vagues » de licenciés sont déjà en poste. Il faut, toutefois, relativiser ces succès puisque le nombre d’élèves ne cesse de diminuer, les autorités administratives exerçant de fortes contraintes (exigence d’une autorisation paternelle, refus d’enseignement du tamazight par certains chefs d’établissement, absence de perspectives professionnelles…). Afin d’internationaliser leur lutte pour « l’égalité linguistique », les mouvements algérien, marocain, libyen mais aussi de la diaspora se mobilisent et créent dès 1994 le Congrès mondial amazigh (CMA) qui participent depuis (malgré les inévitables divergences qui existent en son sein) à la quasi-totalité des rencontres, colloques et autres regroupements organisés par l’ONU et les structures para-onusiennes ainsi que celles des organisations chargées des droits de l’homme. Le mouvement social de Kabylie dit « Printemps noir » et le statut de langue nationale
L’assassinat d’un jeune lycéen dans un village de Tizi-Ouzou (haute Kabylie) par un gendarme (avril 2001 correspondant au vingt-et-unième anniversaire du Printemps amazigh ) au sein- même de la gendarmerie, va entraîner cette région dans une tourmente qui se soldera par une hécatombe. 123 jeunes mourront sous les balles des gendarmes et des centaines d’autres resteront handicapés à vie. Dès après le meurtre de ce lycéen, se sont organisées d’une manière spontanée de gigantesques manifestations. Au même moment, la gendarmerie torturera un autre jeune dans un village de Béjaïa (Petite Kabylie). Tout fait donc penser à une provocation réfléchie en haut lieu, d’autant qu’ordre a été donné à ce corps d’élite de tirer à vue. Des enfants à peine adolescents ont été abattus dans le dos par balles explosives (certificats médicaux, photographies, bandes vidéo, témoignages écrits et sonores… à l’appui).
Le mouvement Aârch (confédération de tribus) s’organise et se structure. Chaque village et chaque quartier de Kabylie désignera ses délégués pour les représenter au niveau des coordinations où se prennent les décisions. Indépendamment des manifestations quasi-quotidiennes organisées localement, il fut décidé une marche à Alger. 500 000 à un million de personnes (selon les sources) ont fait le déplacement. L’Etat va, une fois de plus, recourir à la répression. Des incendies, et destructions de biens publics et privés sont perpétrés, dit-on, par des forces de sécurité, pour soulever la population algéroise à qui les pouvoirs publics ont fait appel pour défendre leur capitale. Ont suivi de nombreuses arrestations qui n’ont en rien freiné la fougue des jeunes kabyles.
Au contraire, le mouvement social s’amplifie et des comités de solidarité voient le jour dans les Aurès et dans l’Algérois. Les nombreuses rencontres (dites conclaves) aboutiront à la rédaction d’une plate-forme reprenant globalement les revendications du MCB ainsi que quelques autres plus syndicales que politiques.
Devant l’ampleur du mouvement, le gouvernement algérien va faire entériner la décision du président de la République, octroyant à la langue berbère le statut de langue nationale pour amener un apaisement, la force brutale n’ayant pas eu les effets escomptés. Pourtant, ce nouvel acquis n’a rien changé. Aucune obligation faite à l’Etat par ce nouveau statut n’a été honorée. Tamazight, comme langue, reste le parent pauvre de la politique linguistique algérienne. Aucun budget spécial n’est venu réparer, un tant soit peu, cette injustice historique. L’enseignement qui est dispensé dans certains cycles et quasiment dans la seule Kabylie (foyer de contestation) reste sans effet puisque sans dividende matériel et/ou symbolique.
Il faut compter aussi avec les tentatives permanentes de diviser le maigre corps enseignant et les élèves sur le choix de la transcription (arabe, tifinagh ou latin) alors que la communauté amazighophone (pour le moins kabylophone qui regroupe le plus grands nombre d’élèves) a tranché en faveur de l’alphabet latin. En effet, la quasi totalité de la communauté amazighophone (locuteurs et universitaires), HCA et MCB ont opté pour le caractère latin. Si des arguments « scientifiques » ont été avancés par les deux premiers acteurs, le MCB justifie son choix par des raisons idéologiques. Il s’agit pour ses militants de choisir un « camps », celui de l’universalité. L’option du tifinagh au Maroc n’a pas eu d’impact sur l’Algérie dont la mesure où ce choix est perçu comme une volonté de la monarchie d’aller vers un compromis entre les « arabisants » et les « francisants ». Le caractère archaïque de cet alphabet (consonantique et sans cursive) ne peut, a vrai dire, permettre une bonne évolution à la langue. Seul l’effet nostalgique est pris en compte en Algérie, raison pour laquelle il est fréquent de rencontrer des écriteaux dans cet alphabet en Kabylie et dans les Aurès. La constitution algérienne et la question amazighe
La constitution de 1976 aura été précédée par un « show médiatique » exceptionnel. La parole a été donnée au peuple dans les nombreuses rencontres organisés par les autorités à travers tout le pays. Finalement, la montagne aura accouché d’une souris. Rien n’a été pris en compte et les gouvernants reconduiront, cette fois-ci constitutionnellement, l’idéologie arabo-islamique. Les services secrets algériens auront fait une belle moisson puisque ces débats leur ont permis de repérer tous les défenseurs de l’amazighité. La première révision constitutionnelle aura lieu en 1989, alors que le régime commençait à s’essouffler. S’il est fait référence au passé numide (berbère) dans son préambule, cette loi fondamentale va re-consacrer le caractère islamique et arabe de l’Algérie.
Il faut attendre la révision constitutionnelle du 28 novembre 1996 pour voir apparaître pour la première fois le terme amazigh. L’identité algérienne a été revue et corrigée puisqu’il est dit (dans le préambule, en caractère gras) que ses composantes fondamentales sont islamiques, arabes et amazighes. Il faut préciser, néanmoins, qu’aucune loi ne reprend dans le corps du texte cette dernière composante. Les événements du Printemps noir auront eu pour conséquence d’inclure en 2002 un article (3bis) accordant à la langue tamazight le statut de langue nationale. Un statut purement symbolique dont le seul but était de calmer les esprits. Trop tard, beaucoup de sang avait coulé. Cet acquis qui aurait été accueilli comme un plein succès en d’autres temps est passé inaperçu, la facture ayant été trop chèrement payée. 2003, l’année des extrêmes
L’année 2003 aura été à la fois l’année de la plus grande répression contre les populations civiles mais aussi celle des plus grandes avancées en matière d’amazighité. La détermination du mouvement aârch a contraint le pouvoir à accepter des négociations avec ses délégués sur la base d’une plate-forme portant des revendications difficilement concevables en d’autres temps. C’est ainsi qu’il est demandé explicitement, en plus des revendications habituelles du MCB (tamazight, langue nationale et officielle), le départ du corps de la gendarmerie de Kabylie.
Une demande satisfaite en partie puisque de nombreuses brigades ont, pour un temps, quitté leurs casernes. Il faut préciser que le pouvoir n’a fait que louvoyer durant toute l’année en accordant le dialogue à des faux représentants appelés par dérision, « délégués taïwan ». La pression sur les pouvoirs publics a abouti aussi à la libération des prévenus ainsi que, comme nous l’avons dit plus haut, au statut de langue nationale pour le tamazight. 2003 est également l’année qui précède les élections présidentielles (qui auront lieu au printemps 2004), ce qui explique l’inhabituelle volonté de l’Etat d’arriver à une solution négociée au plus tôt. Tout est donc fait pour accélérer le processus et certains délégués étaient déjà acquis au projet du chef du gouvernement chargé par le président de la République du « dossier kabyle ».
D’autres délégués tiennent à faire adopter, en l’état, la plate-forme dite scellée et non négociable. Le mouvement social, dans sa deuxième composante, a appelé, en effet, au boycott des élections législatives et des élections locales en Kabylie. Un boycott largement suivi par les populations
C’est ainsi que certains députés ou maires ont été élus avec moins de 10 voix et ont siégé, malgré tout, dans les institutions. Malgré l’exigence du départ de ceux qu’on appelle, dès lors, les « indus-élus », le pouvoir fait la sourde oreille et prétexte que la loi n’a pas prévu de seuil minimum en matière de voix . Le mouvement se retrouvera, rapidement, à la croisée des chemins. La scission qui existe en son sein (dialoguistes et non dialoguistes) l’aura largement affaibli et le pouvoir exploitera une situation avec le résultat que lon sait.
2003 a été aussi marqué par l’organisation du troisième séminaire du MCB. C’est en juillet que le Mouvement culturel berbère (jusqu’à présent sans existence légale) s’est doté d’une plate-forme idéologique et pris la décision d’aller vers un premier congrès (les circonstances n’ont pas permis de le tenir à ce jour). Si le troisième séminaire s’est déroulé en Kabylie pour des raisons pratiques (seul lieu où l’organisation ne pose pas de gros problèmes), il faut souligner les fortes délégations des Aurès, M’zab, Chenoua. Un message a été également envoyé par les Touaregs qui n’ont pu se déplacer. Vents chaud et glacial auront tour à tour soufflé en 2003 sur une Kabylie qui continue de courir éperdument après la paix. Conclusion
Nous avons vu combien est complexe le règlement de la question amzigh dans un pays fortement centralisé et fonctionnant sur l’unité de pensée. Nous avons également compris que les acquis sont toujours le résultat d’âpres luttes et qu’ils ne sont jamais irréversibles. Quand bien même le statut de langue nationale (article 3bis de la constitution) était respecté par le pouvoir, la langue tamazight ne peut véritablement s’épanouir sans le statut de langue officielle, tout au moins dans les zones du pays où existe une forte demande sociale. Un statut de co-officialité (avec l’arabe) qui reste, malheureusement, incompatible avec l’actuel Etat-nation. Un Etat (plus jacobin encore que celui de son concepteur, la France) qui, par nature, est intolérant et par conséquence injuste. En vérité, la réponse aux problèmes identitaire, culturel et linguistique, en Algérie, réside dans le changement de la nature de l’Etat. Seul un mode d’administration de la nation qui accorde des espaces d’autonomie à chaque région (Etat unitaire régionalisé) peut apaiser une situation tendue et porteuse de dérives que les populations et le Mouvement culturel berbère ont su, jusqu’à présent, éviter.
Mouloud Lounaouci,Universitaire
(1) En 1966, le recensement algérien mentionne la composante berbère, mais il est entaché de nombreuses irrégularités.
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mardi 6 avril 2010
Entretien avec le Secrétaire Général de l’Alliance pour la Consolidation de la Paix (ACP), Mr Bachir Akoli
Avec les changements politiques importants de ces dernières semaines au Niger, il est aujourd’hui temps de clarifier la situation des différents acteurs, en particulier en ce qui concerne le peuple touareg. L’ACP, l’Alliance pour la Consolidation de la Paix, c’est quoi, c’est qui ?
L’Alliance pour la Consolidation de la Paix est un cadre de concertation et de réflexion sur les mécanismes qui permettront d’ancrer la paix au Niger en général et dans sa partie septentrionale en particulier.
Cette alliance est née de la volonté affirmée des mouvements et fronts de l’ex résistance armée (MNJ, FPN, FFR) en vue de créer les conditions idoines d’une paix durable et définitive dans notre pays.
La gestion de la paix est un processus qui nécessite une vigilance accrue, mais surtout une implication ferme de tous les acteurs.
Avez-vous des objectifs précis ?
Je peux résumer ces objectifs en quelques points :
1-Répondre aux exigences pressantes des différents partenaires du Niger qui œuvrent dans le domaine de la paix.
2-Bannir définitivement le recours aux armes comme moyen de revendications, aussi légitimes que peuvent en être les raisons.
3-Parachever le désarmement des groupes individuels, le déminage et la récupération des engins dangereux.
4-Corriger les insuffisances de la mauvaise gestion des fonds destinés à la démobilisation des combattants
5-Dégager des perspectives d’avenir, qui permettront de déboucher sur un débat national portant sur la résurgence des rébellions dans notre pays.
Quelles sont les missions que l’ACP se donne ?
Nous avons un ambitieux programme de travail qui reflète les aspirations que nous avons pour l’Alliance. Ce programme a déjà connu un début d’exécution selon une démarche inclusive.
1-Il s’agit d’abord pour l’Alliance d’engager une large campagne de prises de contact et d’explications à l’endroit de tous les partenaires , notamment les autorités politiques et militaires de la transition, les partenaires techniques et financiers, les structures de la société civile oeuvrant dans le domaine de la prévention et gestion des conflits, les sociétés minières présentes dans la zone d’Agadez, les personnalités susceptibles d’apporter leurs expertises et/ou expériences dans l’édification d’une paix véritable.
L’objectif est d’aboutir rapidement à la mise en place d’un organe paritaire Alliance-Gouvernement qui pilotera les prochaines étapes de consolidation de la paix.
2-Il s’agit ensuite pour l’Alliance d’engager une large campagne de sensibilisation à l’endroit des combattants qui l’ont mandatés. Il faut de manière claire leur expliquer la feuille de route que l’Alliance compte mettre en œuvre avec le soutien de tous ses partenaires. Il est impératif de les mettre en confiance en vue de couper court aux tentations de reverser dans le banditisme résiduel ou les trafics en tous genres.
Il y a nécessité de procéder à un listing rapide des combattants victimes des insuffisances de la mauvaise gestion des fonds destinés à la démobilisation. Il y a lieu également, pour l’Alliance, de procéder à une campagne d’identification et de recensement des combattants encore détenteurs d’armes à feu en vue de leur désarmement définitif.
La mise en place d’un programme de déminage des zones théâtre du conflit est envisagée dans le moyen terme.
3-A moyen et long terme l’Alliance voudrait organiser deux forums.
a-Le premier se penchera sur les causes des résurgences des rébellions et autres trafics en tout genre et proposera des solutions préventives.
b-Le second forum, plus économique, réunira les partenaires techniques et financiers du Niger pour lever des fonds pour le financement des projets de développement dans la zone Nord.
L’Alliance se propose également de prospecter avec les sociétés minières exploitant les richesses du sous sol nigérien des possibilités de recrutement de combattants qualifiés en vue de leur réinsertion dans le tissu social. Une campagne à l’endroit de la diaspora nigérienne en vue de sa pleine implication dans ce processus est prévue également.
Avez-vous déjà eu des contacts avec les Autorités de la transition ?
La création de l’ACP est un cheminement tout à fait normal de l’approche responsable qu’a le chef d’Etat son Excellence Salou Djibo , son gouvernement et l’ex-résistance armée, dans le cadre de la consolidation de la paix au Niger. Juste après les évènements du 18 février, le Chef d’Etat a reçu les différents ex-Fronts et Mouvements pour leur affirmer son engagement pour la paix.
C’est ainsi que le 23 mars, nous avons convoqué l’Assemblée Générale constitutive de l’Alliance à l’issue de laquelle un bureau a été mis en place, ce qui nous a permis d’être reçus avec les égards que nous méritons par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires Religieuses précisément le 25 mars, c’est à dire juste 2 jours après la création de l’Alliance.
Tout ça pour vous dire que le CSRD et le gouvernement de transition ne ménagent aucun effort pour faire de la paix une de leur priorité.
Mr AKOLI Bachir est juriste (Maîtrise en Droit privé)
Propos recueillis par Jacqueline Dupuis, Temoust
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